Guevara,
L'Horloge des Princes
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Chapitre XXXII

"C’est chose merveilleuse d’ouïr ce que content les historiens d’iceux Garamantes, c’est à savoir que toutes les maisons étaient égales, tous les hommes allaient vêtus d’une manière, ils n’étaient point plus anciens les uns que les autres, en manger ils n’étaient point gourmands ni ivrognes à boire vin, de plaids et noises étaient totalement étranges, ils ne souffraient entre eux aucun homme qui fût oisif, ils n’avaient nulles armes, parce qu’ils n’avaient nul ennemi. Et finalement ils parlaient peu de paroles, et ce qu’ils disaient était toujours vrai."

Chapitre XXIII

Des propos qu’eut un des sages des Garamantes au grand Roi Alexandre

"C’est une coutume, Roi Alexandre, entre les Garamanes, de peu souvent parler les uns aux autres, et quasi de jamais ne parler avec les étrangers, et spécialement s’ils sont hommes scandaleux et mutins : parce que la langue du mauvais homme n’est autre chose, sinon démonstration publique du cœur marri et déplaisant. Quand l’on nous dit que tu venais en ce pays, incontinent nous déterminâmes de [...] ne te recevoir, ni nous mettre à te résister, ni hausser les yeux à te regarder, ni ouvrir la bouche pour te parler, ni mouvoir les mains pour t’ennuyer, ni élever guerre pour t’offenser." [...]
"Ce que nous dirons, servira plus à améliorer ta vie, qu’à te désister de la conquête de notre pays." [...].
"Vous autres qui êtes Grecs nous appelez barbares, parce que nous demeurons et habitons aux montagnes : mais je dis en ce cas, que nous nous réjouissons d’être barbares aux langues, et d’être Grecs aux œuvres : et non comme vous qui avez les langues des Grecs, et faites œuvres de barbares : parce que celui qui fait bien et parle mal n’est point barbare : mais c’est celui qui a la langue bonne et la vie mauvaise. Puisque j’ai commencé, afin que rien ne reste à dire, je te veux avertir quelle est notre loi et notre vie, et ne t’émerveilles [pas] de l’ouïr dire, mais émerveilles [toi] de le voir pour l’entretenir et garder : parce que ceux qui [louent] les œuvres de vertu sont infinis, et ceux qui les gardent et observent sont bien peu. Je te fais savoir, Alexandre, que nous avons peu de vie, peu de gens, peu de terre, peu de biens, peu de convoitise, peu de lois, peu de maisons, peu d’amis, et surtout, point d’ennemis : parce que l’homme sage doit être d’un seul ami et de nul ennemi.
Avec tout ceci nous avons entre nous autres grande fraternité, bonne paix, grand amour, grand repos, et surtout, grand contentement : parce que [mieux] vaut le repos de la sépulture, que d’être mal content de sa vie. Nos lois sont peu [nombreuses], mais à notre avis et opinion, elles sont bonnes, et sont encloses en six paroles seulement, ainsi qu’il ensuit :
— Nous ordonnons que nos enfants ne fassent pas plus de lois que nous, leurs pères, leur laissons : parce que les lois nouvelles font oublier les bonnes coutumes anciennes.
— Nous ordonnons que nos successeurs ne tiendront pas plus de deux Dieu, desquels l’un sera pour la vie et l’autre pour la mort : parce que mieux vaut un Dieu servi véritablement, que plusieurs Dieux servis follement.
— Nous ordonnons que tous soient vêtus d’un drap, et se chaussent d’une sorte : et l’un n’ait pas plus d’habits que l’autre, parce que la variété des vêtements engendre folie entre les gens.
— Nous ordonnons que quand une femme mariée aura eu trois enfants, elle soit séparée d’avec son mari : parce que l’abondance d’enfants fait les hommes avoir convoitise : et si une femme enfantait plus d’enfants, qu’aussitôt devant ses yeux ils soient sacrifiés aux Dieux.
— Nous ordonnons que tous les hommes et toutes les femmes aiment la vérité par-dessus toutes choses : et si l’un était pris en quelque menterie, sans être autrement pris de remords, qu’aussitôt il meure pour avoir menti : parce qu’un seul menteur suffit à perdre tout un peuple.
— Nous ordonnons qu’aucune femme ne vive plus de quarante ans, et que l’homme vive jusques à cinquante, et s’ils n’étaient morts pour lors, qu’ils soient sacrifiés aux Dieux : parce que c’est aux hommes grande occasion d’être vicieux, de penser qu’ils doivent vivre longtemps.

Guevara (Antonio de), L’Horloge des Princes
1527 : Les dix commandements du bon maître (folio 223/225, II, chapitre 34) ; “Beaucoup sert que les princes soient gens de bien…” (folio 250 verso/251verso, III, chapitre 1)