Platon
La République - 3
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Mais les poètes sont-ils les seuls que nous devions surveiller et contraindre à n’introduire dans leurs créations que l’image du bon caractère ? Ne faut-il pas surveiller aussi les autres artisans et les empêcher d’introduire le vice, l’incontinence, la bassesse et la laideur dans la peinture des êtres vivants, dans l’architecture, ou dans tout autre art ? Et, s’ils ne peuvent se conformer à cette règle, ne faut-il pas leur défendre de travailler chez nous, de peur que nos gardiens, élevés au milieu des images du vice comme dans un mauvais pâturage, n’y cueillent et n’y paissent, un peu chaque jour, mainte herbe funeste, et de la sorte n’amassent à leur insu un grand mal dans leur âme ? Ne faut-il pas, au contraire, rechercher les artisans heureusement doués pour suivre à la trace la nature du beau et du gracieux, afin que nos jeunes gens, pareils aux habitants d’une saine contrée, profitent de tout ce qui les entoure, de quelque côté que vienne à leurs yeux ou à leurs oreilles une effluence des beaux ouvrages, telle une brise apportant la santé de régions salubres et les disposant insensiblement dès l’enfance à imiter, à aimer la belle raison et à se mettre d’accord avec elle ?
On ne saurait mieux les élever, dit-il.
N’est-ce donc pas, Glaucon, repris-je, que l’éducation musicale est souveraine parce que le rythme et l’harmonie ont au plus haut point le pouvoir de pénétrer dans l’âme et de la toucher fortement, apportant avec eux la grâce et la conférant, si l’on a été bien élevé, sinon le contraire ? Et aussi parce que le jeune homme à qui elle est donnée comme il convient sent très vivement l’imperfection et la laideur dans les ouvrages de l’art ou de la nature, et en éprouve justement du déplaisir ? Il loue les belles choses, les reçoit joyeusement dans son âme pour en faire sa nourriture, et devient ainsi noble et bon ; au contraire, il blâme justement les choses laides, les hait dès l’enfance, avant que la raison lui soit venue, et quand la raison lui vient, il l’accueille avec tendresse et la reconnaît comme une parente d’autant mieux que son éducation l’y a préparé.
Il me semble en effet, dit-il, que ce sont là les avantages que l’on attend de l’éducation par la musique.
Je repris : A l’époque où nous apprenions les lettres nous n'estimions les savoirs suffisamment que lorsque leurs éléments, en petit nombre, mais dispersés dans tous les mots, ne nous échappaient plus, et que, ni dans un petit mot ni dans un grand, nous ne les négligions, comme inutiles à noter ; alors, au contraire, nous nous appliquions à les distinguer, persuadés qu’il n’y avait pas d’autre moyen d’apprendre à lire.
C’est vrai.
Il est vrai également que nous ne reconnaîtrons pas les images des lettres, reflétées dans l’eau ou dans un miroir, avant de connaître les lettres elles-mêmes, car tout cela est l’objet du même art et de la même étude.
Très certainement.
Eh bien ! je dis de même, par les dieux, que nous ne serons pas musiciens, nous ni les gardiens que nous prétendons élever, avant de savoir reconnaître les formes de la tempérance, du courage, de la générosité, de la grandeur d’âme, des vertus leurs sœurs et des vices contraires, partout où elles sont dispersées ; avant de percevoir leur présence là où elles se trouvent, elles ou leurs images, sans en négliger aucune, ni dans les petites choses ni dans les grandes, persuadés qu’elles sont l’objet du même art et de la même étude.
C’est tout à fait nécessaire, reconnut-il.

Platon, La République, IVe s. av. J.-C.