Champ/hors champ
Le champ est en quelque sorte ce sur quoi le photographe centre
sa propre attention, avant d'orienter notre regard, grâce au cadrage,
sur ce qu'il considère digne d'être photographié.
D'objets, il fait un sujet. Le cliché s'apparente à une
affirmation : "c'est ici et maintenant qu'il y a à
regarder". Un simple décalage donnerait lieu à une
autre image qui n'aurait rien à voir avec celle-ci et n'offrirait
peut-être aucun intérêt.
Le champ serait de la sorte ce qui est retenu, souligné, tandis
que le hors champ deviendrait ce qui est mis de côté. Il
resterait alors à définir où l'un et l'autre commencent
et finissent. Le miroir dans la cheminée accorde aux meubles
de salon situés derrière le photographe une place centrale ;
l'église qui se profile derrière la religieuse renforce
la perception de son engagement. Trancher n'est pas aisé. D'abord
choisie pour l'exposition, la photographie de René Burri n'y
figure pas : les objets au premier plan, le visage de l'homme
"posé" lui aussi sur le parapet du pont et la vue perspective
s'associent tant que la distinction entre champ et hors champ ne présente
aucune évidence.
Une différence d'intensité du propos ne creuse pas l'écart
entre le champ et le hors champ. Pour comprendre ce qu'est cette chambre
de motel, le carrelage et les rideaux sont tout aussi importants que
le téléviseur. La serviette suspendue au fil à
linge tient sa valeur des pavés et des maisons. C'est d'ailleurs
ce qui permet à Jean-Philippe Charbonnier d'intituler sa photographie
Roubaix. De même, dans
Nicaragua (femme assise derrière
étagère), le titre et la précision apportée
renvoient à une complexité de l'image qui allie humour
et poésie, grâce à un point de vue et un cadrage
propices à la superposition évocatrice de plans jusqu'alors
distincts.
En
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