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- Pseudo-Callisthène, Le Roman
dAlexandre
- Benoît, Navigation de Saint
Brendan à la recherche du paradis
- Christine
de Pisan, La Cité des dames
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- " En revenant sur nos pas,
nous arrivâmes en deux jours de marche à des contrées où le soleil ne brille pas.
Cest donc là que se trouve ce quon appelle le pays des Bienheureux. Et dans
mon désir dexplorer et de voir ces lieux, jentrepris de réunir mes esclaves
personnels et de mengager dans leur direction. Cest mon ami Callisthène qui
me conseilla de my engager avec quarante amis, cent esclaves et douze cents soldats,
issus exclusivement de la noblesse. Je laissai donc linfanterie avec les vétérans
et les femmes, et ne prenant avec moi que de jeunes soldats délite, je me mis en
marche avec eux, après avoir fait passer lordre quaucun vétéran ne nous
accompagne.
- Mais un vétéran fureteur qui avait
deux fils, de nobles et vrais soldats, leur dit : " Fistons, écoutez la
parole de votre père et prenez-moi avec vous, et vous ne me trouverez pas de trop sur la
route. Car, voyez-vous, dans une situation critique, on se mettra en quête <dun
vétéran>, du côté du roi Alexandre, et si vous vous trouvez mavoir à votre
disposition, vous en serez magnifiquement honorés. ".
- Ses fils lui disent alors :
" Père, nous redoutons la menace du roi, cest-à-dire que nous ne soyons
trouvés en infraction avec son ordre, et que nous ne soyons même, durant cette
expédition, privés de la vie. " Mais le vieillard répondit :
" Debout ! rasez-moi la barbe, accoutrez-moi autrement, je marcherai avec
vous au milieu des soldats et quand loccasion lexigera, je vous serai de grand
profit. ". Et ils firent ce que leur ordonnait leur père.
- Donc, après nous être éloignés
par trois jours de marche, nous rencontrâmes une région obscure. Comme nous ne pouvions
progresser plus avant, parce que la région était impraticable et sans pistes, nous
plantâmes là nos tentes. Le lendemain, je pris avec moi mille soldats sur pied de
guerre, et mavançai pour vérifier avec eux si ce nétait point là la fin de
la terre.
- Nous nous engageâmes du côté
gauche car cétait le côté le plus lumineux –, et y parcourûmes des
contrées rocailleuses et ravinées jusquau milieu du jour. Cette heure, je ne la
vérifiai pas daprès le soleil, mais cest en mesurant le nombre de schènes
selon les règles de larpentage que je vérifiai à la fois le chemin parcouru et
lheure. Ensuite, pris de peur, nous rebroussâmes chemin, la route devenant
impraticable. Une fois de retour, nous voulûmes <nous engager> vers la droite.
Cétait une plaine absolument unie, et cependant obscure et ténébreuse. Mais je me
trouvai dans lembarras car aucun des jeunes soldats ne me conseilla de pénétrer
dans cette région, de peur en effet que si les chevaux se fourvoyaient, <à cause de
lobscurité> et de la longueur de la route, nous ne pussions rebrousser chemin.
- Cest moi qui leur dis
alors : " Vous qui êtes tous de braves combattants, vous avez appris
maintenant que, privée de conseil et dintelligence, la plus grande bravoure
nest rien. Et si un vétéran survenait, il nous conseillerait sur la manière dont
il faut pénétrer dans cette région obscure. Or y a-t-il parmi vous un brave qui
sen irait jusquau camp me ramener un vétéran ? Il recevra de moi dix
livres dor ! " Mais il ne se trouva personne pour cette mission, à
cause de la longueur de la route et de lobscurité ambiante.
- Alors, après sêtre avancés,
les fils du vétéran me disent : " Sire, si tu veux bien nous écouter
sans rancune, nous te dirons quelque chose. " Je leur dis alors :
" Parlez, quoi que vous ayez à dire. Car je jure par la Providence céleste de
ne point vous faire de tort. " Ils me racontèrent aussitôt lhistoire de
leur père, et de quelle manière ils lavaient emmené, et ils coururent me
présenter le vétéran.
- Quand je le vis, je lembrassai
et le priai de nous accorder son conseil. Le vétéran me dit alors : " Roi
Alexandre, voici ce que tu peux savoir : si tu ne tavances pas avec des
juments, tu ne reverras jamais plus la lumière. Choisis donc des juments ayant des
poulains, laisse ici les poulains, et de votre côté, avancez-vous avec les juments, et
ce sont elles qui vous ramèneront, à cause de leurs poulains. "
- Je fis alors chercher dans toute
lexpédition, mais nous ne trouvâmes que cent juments pourvues de poulains. Donc,
quand je les eus prises, avec cent autres chevaux bien choisis, ainsi que dautres
chevaux portant les vivres, nous nous avançâmes selon le conseil du vétéran, et
laissâmes les poulains à larrière.
- De son côté, le vétéran ordonna
à ses fils, sils trouvaient quelque chose par terre après le départ, de le
ramasser et de le mettre dans leurs sacoches. Continuèrent donc plus avant trois cent
soixante soldats, et jordonnai aux <cent> soixante fantassins de former
lavant-garde.
- Et nous avançâmes de la sorte sur
environ quinze schènes. Nous découvrîmes alors un endroit où jaillissait une source
limpide dont leau étincelait comme des éclairs, et un très grand nombre
dautres fontaines. De plus, lair de ce lieu était agréablement parfumé, et
dune obscurité qui nétait pas totale.
- Comme javais faim, je voulus
prendre de la nourriture, et après avoir appelé le cuisinier qui se nommait Andréas, je
lui dis : " Prépare-nous la pitance ". Il prit alors du poisson
séché et alla jusquà leau limpide de la fontaine pour laver ce mets, mais
à peine fut-il plongé dans leau, quil reprit vie et échappa des mains du
cuisinier.
- Cependant, ce dernier, effrayé, omit
de me rapporter lévénement, mais lui-même puisa de leau de la fontaine, en
but, en versa dans un récipient dargent et la conserva. En effet tout
lendroit bouillonnait de sources abondantes, et tous nous buvions de ces eaux.
Quelle fut mon infortune, quil ne mait point été donné de boire de cette
fontaine dimmortalité qui rend la vie aux bêtes, et que mon cuisinier avait eu la
fortune de trouver !
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- " Après avoir pris notre
nourriture, nous nous levâmes et parcourûmes environ deux cent trente schènes, plus ou
moins. Alors nous continuâmes à marcher en voyant une lueur, mais sans apercevoir ni
soleil, ni lune, ni étoiles. Je vis aussi voler deux oiseaux, nayant dhumain
que les regards, mais croassant en grec : " Pourquoi, Alexandre, foules-tu
un pays qui nappartient quà la divinité ? Retourne-ten,
malheureux, retourne-ten ! Tu ne pourras fouler les îles des Bienheureux,
retourne-ten, homme, foule la terre qui ta été donnée et ne viens pas
tattirer des coups ! "
- Tout tremblant, jobéis
admirablement à lordre qui mavait été donné par les oiseaux. Alors
lun des oiseaux me dit à nouveau en grec : " Cest le levant
qui tappelle au combat, et le royaume de Pôros, après ta victoire, te fera sa
soumission. " Et sur ces mots, loiseau prit son vol.
- Pour moi, je fis dabord une
prière, puis commandai le guide, cest-à-dire les juments que nous lançâmes en
avant-garde, et nous nous retirâmes de ces régions, en suivant la direction du Grand
Chariot durant vingt-deux jours, en faisant route vers les hennissements des poulains.
- Or beaucoup de soldats se chargèrent
du poids de leurs trouvailles personnelles, et surtout les fils du vétéran qui
remplirent leurs sacoches selon linjonction de leur père.
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- " Et, quand nous sortîmes
à la lumière, on trouva quils avaient fait récolte dor de bon titre, et de
grosses perles de bon prix. En voyant cela, ceux qui lavaient fait regrettèrent de
ne pas en avoir récolté davantage, et les autres de nen avoir point récolté du
tout. Alors nous couvrîmes tous déloges le vétéran qui nous avait dispensé un
si précieux conseil.
- Ce nest quà notre retour
que le cuisinier nous raconta ce qui lui était arrivé à la fontaine. Pour moi, quand je
lappris, je fus confondu de chagrin et lui infligeai un châtiment terrible. Il me
répondit cependant : " Alexandre, que te servent tes regrets quand
loccasion est passée ? " Jignorais de plus quil avait bu
de cette eau ou quil en avait conservé, car il nen fit pas laveu, mais
seulement que le poisson séché avait repris vie.
- Ce cuisinier alla ensuite auprès de
ma fille Calé, née de ma concubine Ounna, et la séduisit par la seule promesse de lui
donner de leau de la fontaine dimmortalité, ce quil fit. Quand je vins
à lapprendre, je dirai ici la vérité, je fus jaloux de leur immortalité.
- Et après avoir mandé ma fille, je
lui dis : " Emporte ta garde-robe et disparais de mes regards, car te
voilà devenue, avec ton immortalité, un démon !
- (Tu as reçu le nom de Calé, la
Belle, mais je vais tappeler Belle des montagnes, car tu y passeras le restant de
tes jours). Tu recevras le nom de Néréïde, comme ayant reçu léternité de
leau (nérô) ". (Sur ces mots, il lui prescrivit de ne jamais
habiter parmi les hommes, mais seulement dans les montagnes.) Pleurant et gémissant, elle
disparut de mes regards et sen alla habiter avec les démons dans les solitudes.
- Quant au cuisinier, je prescrivis de
lui attacher une meule au cou et de le précipiter dans la mer. Quand on l'y eut jeté, il
devint un démon et partit sinstaller dans un endroit de la mer qui a aussi reçu
ensuite le nom dAndréas. Et voilà ce qui advint du cuisinier et de ma fille.
- Pour moi, je tirai de tous ces
événements lidée que là se trouvait la fin de la terre, et je prescrivis
délever en ce lieu un arc monumental et dy graver cette inscription :
" Vous qui avez résolu dentrer dans le pays des Bienheureux, prenez à
droite pour ne pas aller à votre perte ! "
Pseudo Callisthène,
Le roman dAlexandre
1re édition environ IVe siècle avant J. C, Les Belles lettres, " La
roue à livres ", 1992, traduit et commenté par Gilles Bounoure et Blandine
Serret, Livre II, p. 82/86 |
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