Humour
Le siècle de la satire




Contemporaine de la photographie, la bande dessinée apparaît dans les années 1830 avec le Genevois Rodolphe Töpffer, qui publie sept albums d’" histoires en estampes ". Elle connaît un véritable développement européen à partir des années 1860, notamment en Allemagne avec l’influente école des Fliegende Blätter, dont le chef de file est Wilhelm Busch. À la fin du siècle, les journaux satiriques illustrés, destinés aux adultes, se multiplient à travers tout le continent et accueillent de nombreuses histoires dessinées, fréquemment " sans paroles ". En France, trois générations d’auteurs se succèdent : Cham, Edmond Forest, Gustave Doré et Nadar, dont les bandes dessinées paraissent dès avant 1850 ; Gabriel Liquier, Léonce Petit, Stop, Gédéon, Crafty, Henri Émy, actifs dans les années 1860 et dont la production a sombré dans un oubli presque complet ; enfin Willette, Caran d’Ache, Steinlen, Louis Doës, Émile Cohl et Henri de Sta, qui s’émancipent du modèle töpfferien. Tous furent des humoristes et tournèrent en dérision le petit-bourgeois de l’époque. Cette communauté d’inspiration permet de qualifier le XIXe siècle de " siècle de la satire ".

Un certain délire


L’absurde et le non-sens caractérisent une part importante de la production dessinée humoristique. Les jeux complexes du texte et de l’image se prêtent bien au détournement burlesque des codes, la bande dessinée intégrant ainsi son propre commentaire. Adeptes de l’excès et de la profusion, des dessinateurs comme Gotlib ou Emerson se plaisent à une surenchère dans le comique, truffant leurs images de gags secondaires et de détails parasites. Ils excellent aussi souvent dans la parodie des œuvres classiques, des discours institués et de tous les stéréotypes culturels. À la loufoquerie souriante de séries enfantines répond la verve plus débridée de la production destinée aux adultes qui enfreint joyeusement tous les tabous.

L'esprit de dérision


 

 

 

La bande dessinée satirique s’est radicalisée après Mai 68. Le magazine américain Mad et le Hara-kiri français ont mis à mal les principes et les précautions d’antan. Souvent adeptes d’un dessin-croquis faussement spontané, des dessinateurs à l’esprit particulièrement incisif, par ailleurs brillants dialoguistes, tendent à la société un miroir accusateur qui en montre au grand jour toutes les tares et toutes les compromissions. On vit une époque formidable, proclame ironiquement Reiser. Tous Frustrés, répond Bretécher, tandis que Ralf König pratique l’autodérision en décrivant sans fard, mais avec une bonne dose d’humour, le vécu de la communauté homosexuelle.