Encyclopédie des arts du cirque

Arts du cirque

L’écuyer Corradini et son cheval funambule Blondin

Hippodrome de l’Alma, 1885
Lithographie en couleur, imprimerie Charles Lévy (Paris)
BnF, Bibliothèque-musée de l’Opéra, EST CIRQUE 6 (8)
© Bibliothèque nationale de France
Dans un cirque historiquement et essentiellement équestre, il est difficile de se démarquer des prouesses des familles régnantes. Pour Francesco Corradini, né à Vérone en 1856, il importe de faire valoir avec éclat ses talents de dresseur et d’écuyer. Ses présentations en haute école, appréciées, ne lui suffisent pas. Entre 1882 et 1884, il crée au Cirque d’Été à Paris une Frégate équestre, performance de sauts d’obstacles sur une piste tournante (1882) et surtout une version équestre des performances du funambule français, J.-F. Gravelet, dit Blondin : L’Ascension de la corde raide par le cheval Blondin. Les chroniqueurs décrivent la marche en avant et en arrière d’un cheval tenu serré par son maître à la base du licol, sur une planche de bois d’environ 6 m de long et 20 cm de large, le tout à 6 m de hauteur. Maquillée en grosse corde tressée, la poutre utilisée pour la traversée fait illusion dans la lueur diffuse des lustres, sous la coupole du gigantesque Hippodrome de l’Alma dont le public découvre l’exploit en avril 1885. Un large filet tendu d’une plate-forme à l’autre permet d’assurer le cheval et le dresseur et est équipé d’une forme de longe, une « mécanique » discrète.
Blondin et son maître entreront dramatiquement dans l’histoire du cirque et dans l’histoire locale de la ville suédoise de Göteborg en accomplissant leur ultime exploit. Clou d’une soirée bénéfice donnée le 29 avril 1898 dans la piste du Cirque du Nord, monté sur Lorensbergcirkus en l’honneur des clowns Adolpho et Estio (et de leur chien Brighi), on annonce Il signor Corradini et son cheval aéronaute. Juchés au centre d’un petit plancher attaché sous un ballon, équilibré par un jeu de cordages, le cavalier et sa monture s’élèvent lentement à quinze mètres au-dessus du sol. En guise d’apothéose, Corradini déclenche un feu d’artifice fixé de part et d’autre du support, mais en explosant des pétards mêlés aux fusées effraient le cheval qui se cabre sans que le cavalier ait pu ni l’en empêcher, ni se dégager. Précipités sur la piste, les deux partenaires de presque vingt ans ne survivront ni l’un ni l’autre. La tragédie, dont toute la presse européenne se fait l’écho, sera romancée et portée à l’écran en 1912, par un réalisateur suédois.
 
Sources :
- L’Europe du 25 février 1882, p. 2.
- Gil Blas du 10 avril 1885, p. 2.
- Le Ménestrel du 10 avril 1892, p. 116.
- Le Radical du 5 mai 1898, p. 3.
- Ryttare och hast dodade i ballongollycka, article de Hallén sur le site de l’Histoire de Göteborg, 2018.