Dans les années 1930, la photographie s’impose
peu à peu dans la presse illustrée et la publicité.
Les photographes sortent de leur studio et de leur boutique et partent
à la découverte d’une civilisation urbaine où
la demande d’images se fait de plus en plus pressante. Ce bel
élan est interrompu par la guerre et l’apparition d’une
propagande au service du gouvernement de Vichy et de l’occupant.
La libération de Paris met fin à la presse de collaboration.
La multiplication des publications, un engagement politique plus marqué
qu’autrefois, le rationnement des matières premières,
la cherté des coûts de fabrication, la faiblesse du marché
publicitaire ainsi que le nombre croissant de titres lancés sans
assises financières ne favorisent pas le développement
de la presse française qui manque cruellement de moyens si on
la compare à celle des pays anglo-saxons.
En dépit de ces difficultés, la presse illustrée
connaît de belles réussites et contribue à valoriser
le relèvement du pays et l’unité qu’il tente
de retrouver alors que la Guerre froide ouvre une nouvelle fracture.
Bien qu’essentielle pour la diffusion des photographies, elle
n’en est pas le seul vecteur. L’édition et la publicité
offrent, elles aussi, des opportunités. Des ministères
et des institutions lancent de grandes campagnes. Ils font appel aux
photographes et leur passent de multiples commandes pour ce qu’ils
nomment encore leur "propagande".
Après l’Occupation vient le temps de la reconstruction.
Les ruines sont moins physiques que morales. L’épuration
terminée, une photographie dite "humaniste" s’impose.
Elle prend ses racines dans les années 1930. Sa vision a été
forgée par des photographes étrangers comme Brassaï,
Emeric Feher, Ergy Landau, Nora Dumas… Elle renoue avec des valeurs
collectives qui visent à l’universalité d’un
humanisme fortement compromis par la découverte des camps d’extermination
dont on s’empresse rapidement d’"oublier" l’existence
une fois le procès de Nuremberg terminé.
Les photographes de l’école de Paris, dont beaucoup avaient
dû se cacher ou s’exiler, rejoignent la capitale. Si certains
ne retrouvent plus l’élan novateur des années 1920
et 1930, presque tous poursuivent leur carrière.
Les agences de presse
Les sept agences de photographie qui ont collaboré sont fermées.
L’Agence internationale pour la presse de Robert Cohen, encore
appelée Agence d’illustration pour la presse (AGIP), mise
en sommeil pendant la guerre, reprend ses activités dès
la Libération. Raymond Grosset rouvre les portes de Rapho le
1er décembre 1945. À l’agence
Fama, il récupère alors le fonds dont Charles Rado avait
été spolié en tant que juif. Après un bref
passage à Alliance Photo, Doisneau lui confie ses reportages
sur la libération de Paris et, en 1946, Ronis intègre
l’agence qui gère également les fonds de Brassaï,
Nora Dumas, Ylla, Ergy Landau, Émile Savitry et Serge de Sazo.
Sabine Weiss les rejoint en 1952 et Janine Niépce en 1955.
En 1947, à New York, Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Chim,
George Rodger et William Vandivert créent Magnum. Ils reprennent
l’idée d’une coopérative de photographes initiée
dix ans plus tôt par les Photographes associés qui préfigurèrent
l’agence Lapi. Le droit d’auteur et sa gestion, la liberté
de choisir ses reportages, le respect des images et de leurs légendes
sont au cœur de la réflexion des fondateurs. Ces derniers
veulent désormais gérer eux-mêmes Magnum. Au-delà
de considérations économiques, des liens unissent les
différents membres pour qui l’excellence prime et se traduit
dans des sensibilités spécifiques. Capa, après
une délibération collégiale, intègre rapidement
de jeunes talents pour couvrir de nouveaux secteurs et, dans un climat
de Guerre froide, estomper le caractère très engagé
de Magnum. Comme ses consœurs, l'agence diffuse aux États-Unis
et dans le monde occidental l’image d’une France poétique
où l’identité culturelle et sociale s’affirme
à travers des images emblématiques porteuses des thèmes
humanistes. Un Paris pittoresque avec la Seine et ses amoureux, les
quartiers populaires et leurs enfants, vrais "titis" parisiens
répondent à une demande forte qui finit par forger les
stéréotypes dont l’influence perdure encore à
l’étranger.