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Des photographes illustrateurs à l'ère de l'imprimé

extrait du texte de Françoise Denoyelle
Georges Viollon : Nantes. Les jeux autour d'une HLM
Dans les années 1930, la photographie s’impose peu à peu dans la presse illustrée et la publicité. Les photographes sortent de leur studio et de leur boutique et partent à la découverte d’une civilisation urbaine où la demande d’images se fait de plus en plus pressante. Ce bel élan est interrompu par la guerre et l’apparition d’une propagande au service du gouvernement de Vichy et de l’occupant. La libération de Paris met fin à la presse de collaboration. La multiplication des publications, un engagement politique plus marqué qu’autrefois, le rationnement des matières premières, la cherté des coûts de fabrication, la faiblesse du marché publicitaire ainsi que le nombre croissant de titres lancés sans assises financières ne favorisent pas le développement de la presse française qui manque cruellement de moyens si on la compare à celle des pays anglo-saxons.
En dépit de ces difficultés, la presse illustrée connaît de belles réussites et contribue à valoriser le relèvement du pays et l’unité qu’il tente de retrouver alors que la Guerre froide ouvre une nouvelle fracture. Bien qu’essentielle pour la diffusion des photographies, elle n’en est pas le seul vecteur. L’édition et la publicité offrent, elles aussi, des opportunités. Des ministères et des institutions lancent de grandes campagnes. Ils font appel aux photographes et leur passent de multiples commandes pour ce qu’ils nomment encore leur "propagande".
Après l’Occupation vient le temps de la reconstruction. Les ruines sont moins physiques que morales. L’épuration terminée, une photographie dite "humaniste" s’impose. Elle prend ses racines dans les années 1930. Sa vision a été forgée par des photographes étrangers comme Brassaï, Emeric Feher, Ergy Landau, Nora Dumas… Elle renoue avec des valeurs collectives qui visent à l’universalité d’un humanisme fortement compromis par la découverte des camps d’extermination dont on s’empresse rapidement d’"oublier" l’existence une fois le procès de Nuremberg terminé.
Les photographes de l’école de Paris, dont beaucoup avaient dû se cacher ou s’exiler, rejoignent la capitale. Si certains ne retrouvent plus l’élan novateur des années 1920 et 1930, presque tous poursuivent leur carrière.

Janine Niépce : Le Chat de la concierge rue de Tournon

Les agences de presse

Les sept agences de photographie qui ont collaboré sont fermées. L’Agence internationale pour la presse de Robert Cohen, encore appelée Agence d’illustration pour la presse (AGIP), mise en sommeil pendant la guerre, reprend ses activités dès la Libération. Raymond Grosset rouvre les portes de Rapho le 1er décembre 1945. À l’agence Fama, il récupère alors le fonds dont Charles Rado avait été spolié en tant que juif. Après un bref passage à Alliance Photo, Doisneau lui confie ses reportages sur la libération de Paris et, en 1946, Ronis intègre l’agence qui gère également les fonds de Brassaï, Nora Dumas, Ylla, Ergy Landau, Émile Savitry et Serge de Sazo. Sabine Weiss les rejoint en 1952 et Janine Niépce en 1955.
En 1947, à New York, Robert Capa, Henri Cartier-Bresson, Chim, George Rodger et William Vandivert créent Magnum. Ils reprennent l’idée d’une coopérative de photographes initiée dix ans plus tôt par les Photographes associés qui préfigurèrent l’agence Lapi. Le droit d’auteur et sa gestion, la liberté de choisir ses reportages, le respect des images et de leurs légendes sont au cœur de la réflexion des fondateurs. Ces derniers veulent désormais gérer eux-mêmes Magnum. Au-delà de considérations économiques, des liens unissent les différents membres pour qui l’excellence prime et se traduit dans des sensibilités spécifiques. Capa, après une délibération collégiale, intègre rapidement de jeunes talents pour couvrir de nouveaux secteurs et, dans un climat de Guerre froide, estomper le caractère très engagé de Magnum. Comme ses consœurs, l'agence diffuse aux États-Unis et dans le monde occidental l’image d’une France poétique où l’identité culturelle et sociale s’affirme à travers des images emblématiques porteuses des thèmes humanistes. Un Paris pittoresque avec la Seine et ses amoureux, les quartiers populaires et leurs enfants, vrais "titis" parisiens répondent à une demande forte qui finit par forger les stéréotypes dont l’influence perdure encore à l’étranger.

 
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