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Des photographes illustrateurs à l'ère de l'imprimé

extrait du texte de Françoise Denoyelle

Louis Stettner : France. Aubervilliers

Les photographes indépendants

Comme l'indique Ronis, "la reprise de l’activité après la Libération fut assez fascinante. Le public avait une folle soif d’images et, pendant quelques années, la photographie pour la page imprimée connut une période de grande fertilité. Les choses n’étaient pas simples car on manquait de tout." Chaque photographe, à travers des commandes va constituer ce qui dans les années 1980 apparaîtra alors comme une œuvre redécouverte ou célébrée dans des monographies et des expositions. Si la sortie de la guerre avec sa floraison de titres favorise le retour à la photographie de Ronis, la situation de ses confrères n’est pas toujours idyllique.
En dehors de ceux qui tiennent boutique, presque tous les photographes travaillent pour la presse. Ils appartiennent à des agences ou à des studios comme Chevojon, Harcourt, Sam Lévin, ou Lipnitzki. Beaucoup travaillent en indépendants. Tous répondent à des commandes. "Le travail sur commande, qui passe pour une activité honteuse, permet la survie matérielle. (…) Il demande une dépense d’énergie, d’invention et, pour ne céder ni à la résignation ni à l’appât du gain, il faut être attentif à éviter les pièges de la spécialisation et garder toujours un regard oblique qui engage à voler, quand les occasions se présentent, un peu de temps payé par les différents employeurs. Ainsi le modeste praticien, jouant en cachette au dilettante, sera gratifié d’une réputation de flâneur." Doisneau, avec sa verve si particulière, résume parfaitement la condition des photographes illustrateurs. C’est dans cet esprit que Ronis, en dehors de ses commandes, réalise son Belleville-Ménilmontant.
Le statut de photographe demeure précaire particulièrement dans les années 1945-1950 où les photographes manquent de films, de lampes… et doivent assurer un travail de laboratoire. Presque tous les photographes travaillent pour la mode, avec un intérêt et des bonheurs divers, la faisant sortir du studio pour aller dans la rue. Ils y recréent des scènes avec les référents thématiques et géographiques de leur univers : petits métiers, rue d’un quartier populaire.
 
Willy Ronis : Retour des prisonniers de guerre
 
Magnum et Rapho qui possèdent des bureaux new-yorkais initient des commandes bien plus lucratives avec des éditions et des magazines étrangers. Ronis en fait l’amère expérience lorsque, « dans une atmosphère empoisonnée par "la Guerre froide", les photographies n’étaient plus qu’une matière première ravalée au service d’une stratégie orientée dans un sens bien précis ». Les scories d’une iconographie humaniste un peu mièvre ne sauraient effacer l’âpreté des tensions qu’induisent la Guerre froide et les guerres coloniales et minorer les enjeux idéologiques qui traversent la photographie.
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