Points de vue

Gros plan et autres angles de vue

Que faire lorsqu'un objet essentiel à l'action est trop petit pour être vu par les lecteurs d'une " enluminure " qui ne dépasse parfois pas quelques centimètres carrés ? L'agrandir. Si les artistes médiévaux n'ont pas songé à pratiquer la case de zoom  en revanche ils procèdent au très fort grossissement de l'objet – bague, clef ou lettre – dans une image où tout le reste des personnages et des accessoires demeure à échelle normale. Ce procédé est courant depuis le XIIIe siècle. La vue verticale est plus rare. Elle existe dès le XIe siècle. Elle est parfaitement maîtrisée au XIIIe siècle, en Italie, au XIVe en Angleterre, et procure quelquefois un effet comique. Ainsi l'image d'un moine tonsuré vu de dessus et de très près, dans un manuscrit juridique italien du XIVe siècle. Si la contre-plongée ne semble pas avoir été découverte, la plongée est volontiers pratiquée en Flandre, dans la seconde moitié du XVe siècle, et en France, à la fin du Moyen Âge.

Le champ/contrechamp n'a été que pressenti. D'abord au XIVe siècle, par le dessin d'un même personnage vu de profil gauche dans une case et de profil droit dans la case précédente. Pour illustrer la méditation éveillée d'un noble avec une " bulle de pensée ", un artiste a approché de près cette technique en montrant les trois-quarts gauches et droits alternés du personnage vu en buste.

Il faut attendre le XXe siècle, avec les Katzenjamers Kids, pour que soit redécouvert le procédé sous la forme d’une bulle de rêve.

Décors


Le procédé courant de l'horizon continu est apprécié et maîtrisé en Italie dès le début du XVe siècle. Il concerne d'abord les extérieurs, mais les artistes sont incités à l'employer aussi en intérieur, comme en témoigne un manuel pour dessinateurs imprimé à Toul en 1503. L'adoption de cette formule est tardive. Elle ne sera redécouverte qu’avec le Prince Vaillant de Foster. Auparavant, les artistes recouraient à la permanence du décor, repris d'une case sur l'autre, selon le même cadrage et avec les mêmes personnages saisis à des stades successifs de l'action. Ce procédé permet de reconstituer de manière quasi cinétique l'enchaînement rapide de l'action ainsi divisée en séquence de deux, trois ou quatre cases, comme dans les Cantigas de santa Maria, au XIIIe siècle. Effondrement d'un échafaudage en trois temps, chute d'un suicidé dans un canal en deux temps et trente centimètres d'intervalle, montée d'un escalier à trois marches de différence, sont les images choc les plus caractéristiques conçues par les enlumineurs médiévaux.