Simultanément, l'espace des livres connaît lui aussi des changements. Au XIIIe siècle, avec l'apparition des ordres mendiants, naît la bibliothèque destinée avant tout à la lecture et non pas à l'accumulation d'un patrimoine et à sa conservation ; et naît aussi une bibliothéconomie qui repose sur le catalogue, conçu non plus comme un simple inventaire mais comme un instrument de consultation destiné à localiser tel livre dans la bibliothèque ou dans d'autres de la même aire géographique ; apparaît aussi le mémorial, un tableau sur lequel les prêts sont notés. Du point de vue architectural, cette nouvelle bibliothèque se présente comme une salle en longueur, avec un passage libre au centre, et, sur les côtés, disposées parallèlement, des rangées de pupitres où les livres offerts à la lecture et à l'étude sont attachés par une chaîne. C'est en quelque sorte le plan de l'église gothique, et la ressemblance va au-delà de la simple organisation spatiale, elle relève des nouvelles exigences de la civilisation gothique. La bibliothèque sort de la solitude du monastère ou de l'étroit espace que lui affectaient les évêques dans les cathédrales romanes pour devenir urbaine et vaste. De même que l'église devient décor (images, ogives, couleurs) offert à la vue et à la jouissance, de même la bibliothèque se présente comme un décor de livres, exposés et disponibles. Ce nouveau type de bibliothèque se définit aussi par son silence. Silencieux doit être l'accès au livre, à peine troublé par le frottement des chaînes qui le relient au pupitre. Silencieuse doit être la recherche des auteurs et des titres dans le catalogue librement accessible. Silencieuse enfin, parce que tout entière faite pour l'œil, est la lecture de ces livres par des individus à la fois solitaires et rassemblés.