Introduction | |
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"Que d'autres se flattent des livres qu'ils ont écrits, moi, je suis fier de ceux que j'ai lus." J. L. Borges |
Don Quichotte, Emma Bovary, Julien Sorel, Des Esseintes… : ces personnages, nés de la plume malicieuse de leurs auteurs, et bien d’autres encore, sont autant de figures de lecteurs qui ont nourri l’imaginaire des romanciers comme des lecteurs qui les ont fréquentés. Nos représentations de la lecture sont issues de tels archétypes, mais aussi d’expériences personnelles bien plus insaisissables : les combinaisons d’émotions et de sensations associées aux moments de la lecture, souvenirs de « [ces] demeures et […] étangs qui n’existent plus » que Marcel Proust souhaitait pouvoir fixer à jamais, et qui construisent notre univers de lecteur. Erudits et gens de lettres se plaisent à dépeindre leur soif de lire comme essentielle : la lecture est l’aliment premier et indispensable non seulement de leur œuvre, qui porte la trace des livres lus, mais de leur identité même. De Michel de Montaigne à Alberto Manguel, le livre est objet d’étude, de méditation, d’appropriation. L’acte de lire est évoqué dans une perspective historique, dans sa complexité ou ses enjeux, tandis que les lieux de lecture sont une porte d’accès au rêve, à la réflexion, au partage et à la confrontation, de la bibliothèque à la librairie, des cabinets de lecture aux cercles, clubs ou cafés littéraires. Aux valeurs portées par ces écrivains et lecteurs répondent des constats plus contrastés, que viennent appuyer les études et analyses véhiculées par les historiens et sociologues de la lecture. A chaque étape de son développement, la lecture a rencontré des détracteurs : pour sa force subversive, politique, morale ou religieuse, pour son inutilité. De nos jours, l’écrit est partout, sa diffusion a atteint des niveaux inégalés, ses visées sont multiples et coexistent (plaisir, distraction, information, instruction). Et pourtant, plus que jamais peut-être, la lecture est l’objet de questionnements, elle s’interroge sur son avenir et son devenir, face à la concurrence d’autres médias, face aux atteintes portées à sa légitimité, aux nouveaux modes de consommation de la culture, à l’évolution de la société, à la résurgence – voire au développement – de l’illettrisme. Ce début de XXIe siècle est sans doute, à bien des égards, un tournant dans l’histoire de la lecture. Car celle-ci se trouve au carrefour de trois mutations au moins : celle des supports et dispositifs de lecture, de ses modes de diffusion, et du renouvellement de ses pratiques. Le statut historique du livre comme celui du lecteur en sont ébranlés : les divers usages liés au papier ou à l’écran coexisteront-ils, se complèteront-ils ou se substitueront-ils les uns aux autres ? Comment se définiront les figures de l’auteur et du lecteur, dans une pratique qui tend à subvertir les rôles ? Que seront, demain, les nouveaux usages et visages de la lecture ? Cette bibliographie sélective recense pour l’essentiel des ouvrages disponibles en accès libre, principalement dans les salles E de la bibliothèque d’étude (niveau haut-de-jardin) et T de la bibliothèque de recherche (niveau rez-de-jardin). On y trouvera également des ressources en ligne, parmi lesquelles des sites internet sélectionnés dans la rubrique « Thèmes d’actualité – Choses lues, choses vues » des Signets de la BnF (http://signets.bnf.fr/), élaborée spécifiquement pour cette exposition. Les références citées dans cette bibliographie se limitent volontairement aux époques modernes et contemporaines, période où l’écrit comme les manières de lire se développent et se diversifient, jusqu’à la démultiplication actuelle des contenus et pratiques. A travers un panorama de l’histoire, des lieux, des vecteurs et des usages de la lecture, elle propose d’en explorer les situations passées, présentes… et à venir. |