Au début des années 1890, Paul Nadar profite des nouveaux développements du réseau ferroviaire pour s’évader de l’activité quotidienne de l’atelier. En 1890, il participe à l’exposition de Tachkent organisée pour la promotion de la nouvelle ligne de chemin de fer transcaspienne réalisée entre 1886 et 1888 par l’armée russe. Il réalise plusieurs portraits de l’ingénieur chargé du projet, le général Annenkoff, probablement à l’origine de cette initiative.
L’exposition lui permet de présenter les produits de l’Office général de photographie mais ce périple est surtout l’occasion de démontrer les capacités des appareils instantanés. Il part avec un important équipement pour documenter son périple : une chambre traditionnelle 60 × 40 avec trépied et plusieurs appareils instantanés (Kodak et Détective Nadar), plus de 150 négatifs sur verre au gélatino-bromure d’argent et des bobines de film Eastman, ainsi que les produits chimiques et papier sensible nécessaires au développement.

Paul Nadar parcourt la route de Samarcande, le Caucase et le Turkestan pendant trois mois et annonce 1 800 images à son retour. L’ensemble comprend des paysages, des vues de monuments, des portraits de la population et des scènes de la vie locale. Ses appareils instantanés lui permettent de documenter de manière immédiate son expérience. Il privilégie la chambre pour les vues d’architecture et les portraits posés de personnalités, comme l’émir de Boukhara.
Dès son retour, il fait la promotion de son travail dans la presse ou lors de conférences. Ses épreuves sont présentées dans plusieurs expositions internationales jusqu’en 1896. Le géographe Édouard Blanc, rencontré pendant ce voyage, utilise ses images pour illustrer ses travaux lors de la conférence-projection à la Société de géographie en 1892 et dans sa publication dans les Annales de géographie deux ans plus tard. Elles sont vendues à l’atelier sous différents formats : tirages (9 × 9, 13 × 18 et 30 × 40 cm), plaques de projection et vues stéréoscopiques.
Paul Nadar rapporte une riche collection d’art, dit alors « musulman » (surtout des armes et des textiles), qu’il met en scène dans une pièce de l’atelier. Elle est aussi présentée à l’exposition d’art musulman au palais de l’Industrie en 1893 et à l’exposition d’art colonial à Lyon l’année suivante. Le second voyage, plus bref, correspond à une commande pour la nouvelle ligne ferroviaire entre Jaffa et la gare de Jérusalem tout juste achevée. Ce chantier, promu par l’entrepreneur Joseph Navon et financé par Bernard Callas, est réalisé par la Compagnie des travaux publics et construction de Paris. À l’automne 1892, Paul Nadar se rend en Palestine avec Albert Tissandier, équipé cette fois d’une chambre 30 × 40 et de négatifs sur verre au gélatino-bromure d’argent. Son travail sur la ligne dure seulement quelques jours. Le mode de présentation des quelques épreuves connues atteste de leur caractère promotionnel. Il profite de son séjour pour faire le traditionnel Grand Tour et visite Alexandrie, Le Caire, Beyrouth, Tyr et Sion, Damas avant de faire escale en Grèce et à Constantinople pour revenir en Europe