L’expression des passions
La capacité de communiquer grâce aux expressions faciales n’a cessé d’intriguer peintres, médecins et philosophes. Grâce à la célèbre conférence donnée en 1668 par Charles le Brun devant l’Académie royale de peinture et de sculpture, l’expression des passions devient une doctrine. Les 23 têtes d’expressions dessinées (1698), puis gravées (1727), qui illustrent cette conférence ont connu un immense succès. Cette grammaire de l’expression des passions fait du visage l’élément essentiel de l’expression physique des passions.
Duchenne s’inscrit dans cette tradition pour en faire une véritable école visuelle photographico-physiologique, et c’est grâce à la photographie qu’il parvient à déterminer le fondement musculaire des affects classiques. Dans la lignée des expériences que Galvani avait réalisées avec des cuisses de grenouilles, ils étaient provoqués uniquement par l’innervation électrique des muscles. Charles Darwin prolongera ensuite cette réflexion dans son livre L’expression des émotions chez l’homme et les animaux.
À la différence de Lavater et de sa physiognomonie, très populaire à l’époque, Duchenne ne s’intéresse nullement au caractère permanent de l’homme, au contraire : ses expériences font apparaître qu’à l’aide de l’électricité il est possible de faire naître sur un visage l’expression de certaines émotions, même si le modèle ne les ressent pas.
Pour Duchenne, le visage est une surface sur laquelle on peut décoder le jeu des plis, des lignes et des rides comme autant de signes. Plus encore, les expressions d’émotions sont pour lui un langage naturel universel qui précède toute éducation. Enraciné dans le royaume de la nature, il dépasse la culture. La photographie lui a donc servi à fixer ces « lignes expressives de la face » de sorte à ce que l’on puisse déterminer – selon sa jolie formulation – une « orthographe de la physionomie en mouvement. » (p. 62)
« Ce que le raisonnement seul avait fait pressentir, ressort clairement de mes recherches. J'ai en effet constaté, dans toutes mes expériences que c'est toujours un seul muscle qui exécute le mouvement fondamental, représentant un mouvement donné de l'âme. Cette loi est tellement rigoureuse, que l'homme a été privé du pouvoir de la changer et même de la modifier. » Voici quelques exemples :
L’apport le plus célèbre de Duchenne de Boulogne dans cette recherche est le discernement entre le "rire faux" (figures 30 et 31) et le "rire naturel" (figure 32), qui restera dans l’histoire sous le nom de « sourire de Duchenne ». C’est au niveau des yeux que se loge la sincérité.
Duchenne s’inscrit dans cette tradition pour en faire une véritable école visuelle photographico-physiologique, et c’est grâce à la photographie qu’il parvient à déterminer le fondement musculaire des affects classiques. Dans la lignée des expériences que Galvani avait réalisées avec des cuisses de grenouilles, ils étaient provoqués uniquement par l’innervation électrique des muscles. Charles Darwin prolongera ensuite cette réflexion dans son livre L’expression des émotions chez l’homme et les animaux.
À la différence de Lavater et de sa physiognomonie, très populaire à l’époque, Duchenne ne s’intéresse nullement au caractère permanent de l’homme, au contraire : ses expériences font apparaître qu’à l’aide de l’électricité il est possible de faire naître sur un visage l’expression de certaines émotions, même si le modèle ne les ressent pas.
Pour Duchenne, le visage est une surface sur laquelle on peut décoder le jeu des plis, des lignes et des rides comme autant de signes. Plus encore, les expressions d’émotions sont pour lui un langage naturel universel qui précède toute éducation. Enraciné dans le royaume de la nature, il dépasse la culture. La photographie lui a donc servi à fixer ces « lignes expressives de la face » de sorte à ce que l’on puisse déterminer – selon sa jolie formulation – une « orthographe de la physionomie en mouvement. » (p. 62)
« Ce que le raisonnement seul avait fait pressentir, ressort clairement de mes recherches. J'ai en effet constaté, dans toutes mes expériences que c'est toujours un seul muscle qui exécute le mouvement fondamental, représentant un mouvement donné de l'âme. Cette loi est tellement rigoureuse, que l'homme a été privé du pouvoir de la changer et même de la modifier. » Voici quelques exemples :
Muscles de la joie et de la bienveillance
Grand zygomatique et orbiculaire palpébral inférieur (contracteur des paupières) (p. 55 à 64)L’apport le plus célèbre de Duchenne de Boulogne dans cette recherche est le discernement entre le "rire faux" (figures 30 et 31) et le "rire naturel" (figure 32), qui restera dans l’histoire sous le nom de « sourire de Duchenne ». C’est au niveau des yeux que se loge la sincérité.
Muscles de la joie et de la bienveillance
Guillaume-Benjamin Duchenne (de Boulogne), Mécanisme de la physionomie humaine, ou Analyse électro-physiologique de l’expression des passions, figure 31
© BnF, Réserve des livres rares
© BnF, Réserve des livres rares
Muscles de la joie et de la bienveillance
Guillaume-Benjamin Duchenne (de Boulogne), Mécanisme de la physionomie humaine, ou Analyse électro-physiologique de l’expression des passions, figure 32
© BnF, Réserve des livres rares
© BnF, Réserve des livres rares
« C'est uniquement d'un mouvement particulier de la paupière inférieure que dépend la différence expressive de ces figures. […] Le muscle qui produit ce relief de la paupière inférieure n'obéit pas à la volonté ; il n'est mis en jeu que par une affection vraie, par une émotion agréable de l'âme. Son inertie, dans le sourire, démasque un faux ami. […] Non seulement il égaye l'œil, et à ce titre il est le muscle complémentaire du grand zygomatique, pour l'expression du rire, mais encore, dans certaines circonstances, il se contracte partiellement, sous l'influence des sentiments affectueux. Il rend alors le regard bienveillant » (p. 62-63).
Le Ris, Chez J. Audran (Paris), 1727
Les expressions des passions de l’âme, représentées en plusieurs testes gravées d’après les dessins de feu M. Le Brun, planche 9
© BnF, Bibliothèque de l’Arsenal
© BnF, Bibliothèque de l’Arsenal
Expression de la joie : le rire (détail), 2e édition chez C. Reinwald (Paris), 1877
Charles Darwin, L’expression des émotions chez l’homme et les animaux, traduit de l’anglais par Samuel Pozzi et René Benoist, table III, figure 1
© BnF, Bibliothèque de l’Arsenal
© BnF, Bibliothèque de l’Arsenal
Le Brun avait ainsi décrit ‘Le ris’ : « De la joie mêlée de surprise naît le ris, qui fait élever les sourcils vers le milieu de l’œil & baisser du côté du nez ; les yeux presque fermés paraissent quelquefois mouillés, ou jeter des larmes qui ne changent rien au visage ; la bouche entre-ouverte, laisse voir les dents ; les extrémités de la bouche retirées en arrière, font faire un plis aux joues qui paraissent enflées & surmonter les yeux ; les narines sont ouvertes, & tout le visage de couleur rouge. » (1727, p. 2-3)
Darwin, contemporain de Duchenne, a attentivement étudié son ouvrage : « Faire l'éloge de son livre. Connu pour d'autres excellents traités et de plus très sous-estimé à mon avis par les autres auteurs. Un grand pas en avant. » peut-on même lire dans les marges de son exemplaire personnel. Car en appliquant la théorie évolutionniste à l’étude de l’expression des émotions, Darwin recherche aussi, chez l’animal autant que chez l’homme, le caractère involontaire des expressions.
Les causes et effets de la joie et du rire sont longuement décrits, au-delà du seul visage. « Une joie très-vive provoque divers mouvements sans but : on danse, on bat des mains, on frappe du pied, etc. ; en même temps on rit bruyamment. Le rire paraît être l'expression primitive de la joie proprement dite ou du bonheur. » Insistant sur le chatouillement, qu’il soit physique ou intellectuel (provoqué par une idée risible), il tempère la trouvaille de Duchenne : « Le docteur Duchenne attribue la fausseté de l'expression à la contraction insuffisante des orbiculaires au niveau des paupières intérieures, et il attache avec raison une grande importance à l'action de ces muscles dans l'expression de la joie. II y a certainement du vrai dans cette manière de voir, mais elle n’exprime pas encore à mes yeux toute la vérité. La contraction de la partie inférieure des orbiculaires est toujours accompagnée, comme nous l'avons vu, d'un mouvement d'élévation de la lèvre supérieure. » (p. 214 et suiv.)
« Si faiblement que le pyramidal du nez exerce son action sur la tête du sourcil et sur l'espace intersourcilier, on le voit toujours donner de la dureté au regard le plus doux et annoncer l'agression. […] La figure 18, où les deux pyramidaux du même sujet sont mis simultanément et énergiquement en contraction, nous montre une expression de méchanceté, de haine, qui inspire de la répulsion. On a tout à craindre de ce regard ; il n'y a qu'une nature cruelle et féroce qui puisse lui donner une telle expression. […] Est-il possible de voir un regard plus méchant ? Il annonce un instinct féroce : c'est l'œil du tigre. » (p. 33-34)
Darwin, contemporain de Duchenne, a attentivement étudié son ouvrage : « Faire l'éloge de son livre. Connu pour d'autres excellents traités et de plus très sous-estimé à mon avis par les autres auteurs. Un grand pas en avant. » peut-on même lire dans les marges de son exemplaire personnel. Car en appliquant la théorie évolutionniste à l’étude de l’expression des émotions, Darwin recherche aussi, chez l’animal autant que chez l’homme, le caractère involontaire des expressions.
Les causes et effets de la joie et du rire sont longuement décrits, au-delà du seul visage. « Une joie très-vive provoque divers mouvements sans but : on danse, on bat des mains, on frappe du pied, etc. ; en même temps on rit bruyamment. Le rire paraît être l'expression primitive de la joie proprement dite ou du bonheur. » Insistant sur le chatouillement, qu’il soit physique ou intellectuel (provoqué par une idée risible), il tempère la trouvaille de Duchenne : « Le docteur Duchenne attribue la fausseté de l'expression à la contraction insuffisante des orbiculaires au niveau des paupières intérieures, et il attache avec raison une grande importance à l'action de ces muscles dans l'expression de la joie. II y a certainement du vrai dans cette manière de voir, mais elle n’exprime pas encore à mes yeux toute la vérité. La contraction de la partie inférieure des orbiculaires est toujours accompagnée, comme nous l'avons vu, d'un mouvement d'élévation de la lèvre supérieure. » (p. 214 et suiv.)
Muscle de l'agression
Le pyramidal du nez (p. 27 à 35)« Si faiblement que le pyramidal du nez exerce son action sur la tête du sourcil et sur l'espace intersourcilier, on le voit toujours donner de la dureté au regard le plus doux et annoncer l'agression. […] La figure 18, où les deux pyramidaux du même sujet sont mis simultanément et énergiquement en contraction, nous montre une expression de méchanceté, de haine, qui inspire de la répulsion. On a tout à craindre de ce regard ; il n'y a qu'une nature cruelle et féroce qui puisse lui donner une telle expression. […] Est-il possible de voir un regard plus méchant ? Il annonce un instinct féroce : c'est l'œil du tigre. » (p. 33-34)
La haine, J.-L. de Lorme (Amsterdam) et E. Picart (Paris), 1698
Conférence de M. Le Brun, ... sur l’expression générale et particulière, figure 18
© BnF, Réserve des livres rares
© BnF, Réserve des livres rares
Muscle de l’agression, Chez Vve J. Renouard (Paris), 1862
Guillaume-Benjamin Duchenne (de Boulogne), Mécanisme de la physionomie humaine, ou Analyse électro-physiologique de l’expression des passions, figure 18
© BnF, Réserve des livres rares
© BnF, Réserve des livres rares
Chez Le Brun, l’agression n’est pas traitée en tant que telle, mais plutôt les émotions qui peuvent la précéder. La Haine ou Jalousie : « Cette Passion rend le front ridé ; les sourcils abattus & froncés ; l’œil étincelant, la prunelle à demi cachée sous les sourcils tournez du côté de l’objet : elle doit paraître pleine de feu aussi-bien que le blanc de l’œil & les paupières ; les narines pâles, ouvertes, plus marquées qu’à l’ordinaire retirées en arrière, ce qui fait paraître des plis aux joues ; la bouche fermée en sorte que l’on voit que les dents sont serrées ; les coins de la bouche retirés & fort abaissés ; les muscles des mâchoires paraîtront enfoncés ; la couleur du visage partie enflammée, partie jaunâtre ; les lèvres pâles ou livides. »
Et la colère aiguë : « Les effets de la colère en font connaître la nature. Les yeux deviennent rouges & enflammés ; la prunelle égarée et étincelante ; les sourcils tantôt abattus, tantôt élevés également ; le front très ridé : des plis entre les yeux ; les narines ouvertes & élargies ; les lèvres se pressant l’une contre l’autre, l’inférieure surmontant la supérieure, laisse les coins de la bouche un peu ouverts, formant un ris cruel & dédaigneux. » (1727, p. 4)
Darwin, quant à lui, va au-delà du mouvements du nez et des sourcils, pour souligner l’apparition des dents. « L'air presque enjoué d’une personne qui ricane peut dégénérer par des transitions successives en une expression extrêmement féroce, si, en même temps que les sourcils se contractent fortement et que les yeux brillent, la dent canine vient à être mise à découvert. […] Cette apparition de la dent canine, sous l’influence de certains états de l'esprit, est le résultat d'un double mouvement. L'angle ou la commissure de la bouche est un peu attiré en arrière, et en même temps un muscle voisin du nez et parallèle à sa direction attire en haut la partie externe de la lèvre supérieure, et découvre la canine du côté correspondant. La contraction de ce muscle produit un sillon très apparent sur la joue, et des rides bien accusées au-dessous de l'œil, principalement près de son angle interne. Ce phénomène est identique à celui que l'on observe chez un chien qui grogne. […] Je soupçonne que ce que l’on appelle le sourire sardonique ou moqueur est un vestige de cette même expression. » (p. 271)
> figure 62 et figure 63
« On a vu que les figures 56 et 57 expriment avec une grande vérité la surprise, l’étonnement, l’ébahissement, par la contraction combinée des abaisseurs de la mâchoire inférieure et des frontaux ; mais cette combinaison musculaire qui produit des mouvements, des lignes et des reliefs analogues, au premier abord, à ceux qui peignent la frayeur, l’effroi, ne peut cependant reproduire ces expressions. Il suffit, pour les faire apparaître, d’associer le peaucier à l’un des muscles moteur du sourcil. » (p. 105)
« En présence des figures 61, 62 et 63, le doute n’est plus possible : cet homme est glacé par l’effroi, frappé de stupeur ; sa face exprime une crainte mêlée d’horreur, à la vue où à la nouvelle d’un danger qui met sa vie en péril, ou d’un supplice inévitable. ‒Avant l’emploi du chloroforme, le premier temps des opérations chirurgicales faisait naître ordinairement cette expression d’effroi et d’horreur. […] Cette expression d’effroi ne vient en effet parfaitement que par l’association des peauciers et des frontaux avec les abaisseurs du maxillaire inférieur. […] L’agrandissement de l’ouverture palpébrale et le regard hagard que l’on observe sur ces figures ajoutent certainement à l’effet de leur expression. » (p. 107)
> figure 64 « les figures 61, 62 et 63, nous le montrent par exemple terrifié par l’idée, soit d’un danger, soit d’une mort prochaine soit d’une torture à laquelle il a été condamné ou qui va lui être appliquée ; mais ici figures 64 et 65, à l’expression de cette terrible émotion de l’âme s’ajoute celle de la douleur horrible de son supplice. ‒ Cette expression doit être celle du damné. » (p. 108)
Et la colère aiguë : « Les effets de la colère en font connaître la nature. Les yeux deviennent rouges & enflammés ; la prunelle égarée et étincelante ; les sourcils tantôt abattus, tantôt élevés également ; le front très ridé : des plis entre les yeux ; les narines ouvertes & élargies ; les lèvres se pressant l’une contre l’autre, l’inférieure surmontant la supérieure, laisse les coins de la bouche un peu ouverts, formant un ris cruel & dédaigneux. » (1727, p. 4)
Darwin, quant à lui, va au-delà du mouvements du nez et des sourcils, pour souligner l’apparition des dents. « L'air presque enjoué d’une personne qui ricane peut dégénérer par des transitions successives en une expression extrêmement féroce, si, en même temps que les sourcils se contractent fortement et que les yeux brillent, la dent canine vient à être mise à découvert. […] Cette apparition de la dent canine, sous l’influence de certains états de l'esprit, est le résultat d'un double mouvement. L'angle ou la commissure de la bouche est un peu attiré en arrière, et en même temps un muscle voisin du nez et parallèle à sa direction attire en haut la partie externe de la lèvre supérieure, et découvre la canine du côté correspondant. La contraction de ce muscle produit un sillon très apparent sur la joue, et des rides bien accusées au-dessous de l'œil, principalement près de son angle interne. Ce phénomène est identique à celui que l'on observe chez un chien qui grogne. […] Je soupçonne que ce que l’on appelle le sourire sardonique ou moqueur est un vestige de cette même expression. » (p. 271)
Muscle de la frayeur, de l'effroi
Le muscle peaucier (du cou) (p. 101 à 108)> figure 62 et figure 63
« On a vu que les figures 56 et 57 expriment avec une grande vérité la surprise, l’étonnement, l’ébahissement, par la contraction combinée des abaisseurs de la mâchoire inférieure et des frontaux ; mais cette combinaison musculaire qui produit des mouvements, des lignes et des reliefs analogues, au premier abord, à ceux qui peignent la frayeur, l’effroi, ne peut cependant reproduire ces expressions. Il suffit, pour les faire apparaître, d’associer le peaucier à l’un des muscles moteur du sourcil. » (p. 105)
« En présence des figures 61, 62 et 63, le doute n’est plus possible : cet homme est glacé par l’effroi, frappé de stupeur ; sa face exprime une crainte mêlée d’horreur, à la vue où à la nouvelle d’un danger qui met sa vie en péril, ou d’un supplice inévitable. ‒Avant l’emploi du chloroforme, le premier temps des opérations chirurgicales faisait naître ordinairement cette expression d’effroi et d’horreur. […] Cette expression d’effroi ne vient en effet parfaitement que par l’association des peauciers et des frontaux avec les abaisseurs du maxillaire inférieur. […] L’agrandissement de l’ouverture palpébrale et le regard hagard que l’on observe sur ces figures ajoutent certainement à l’effet de leur expression. » (p. 107)
> figure 64 « les figures 61, 62 et 63, nous le montrent par exemple terrifié par l’idée, soit d’un danger, soit d’une mort prochaine soit d’une torture à laquelle il a été condamné ou qui va lui être appliquée ; mais ici figures 64 et 65, à l’expression de cette terrible émotion de l’âme s’ajoute celle de la douleur horrible de son supplice. ‒ Cette expression doit être celle du damné. » (p. 108)
Identification du muscle de la frayeur, de l’effroi
Guillaume-Benjamin Duchenne (de Boulogne), Mécanisme de la physionomie humaine, ou Analyse électro-physiologique de l’expression des passions, figure 62
© BnF, Réserve des livres rares
© BnF, Réserve des livres rares
Identification du muscle de la frayeur, de l’effroi
Guillaume-Benjamin Duchenne (de Boulogne), Mécanisme de la physionomie humaine, ou Analyse électro-physiologique de l’expression des passions, figure 63
© BnF, Réserve des livres rares
© BnF, Réserve des livres rares
L’horreur, chez Le Brun ne tient guère compte du cou : « L’objet méprisé cause quelquefois de l’horreur, & pour lors le sourcil se fronce & s’abaisse beaucoup plus. La prunelle située au bas de l’œil est à moitié couverte par la paupière inférieure ; la bouche entre-ouverte, mais plus serrée par le milieu que par les extrémités, qui étant retirées en arrière, forment des plis aux joues ; le visage pâlit & les yeux deviennent livides ; les muscles & les veines sont marqués. »
Sa description de l’effroi, par contre, prend en compte sa tension : « La violence de cette Passion altère toutes les parties du visage, le sourcil s’élève par le milieu ; les muscles sont marqués, enflés, pressés contre l’autre, & baissés sur le nez, qui se retire en haut aussi-bien que les narines ; les yeux forts ouverts ; la paupière de dessus cachée sous le sourcil ; le blanc de l’œil environné de rouge ; la prunelle égarée se place vers la partie inférieure de l’œil ; le dessous de la paupière s’enfle & devient livide ; les muscles du nez et des joues s’enflent, & ceux-ci se terminent en pointe du côté des narines ; la bouche fort ouverte, & les coins fort apparents ; les muscles et les veines du col tendus ; les cheveux hérissés, la couleur du visage comme du bout du nez, des lèvres, des oreilles, & le tour des yeux pâle & livide ; enfin tout doit être fort marqué. »
Sa description de l’effroi, par contre, prend en compte sa tension : « La violence de cette Passion altère toutes les parties du visage, le sourcil s’élève par le milieu ; les muscles sont marqués, enflés, pressés contre l’autre, & baissés sur le nez, qui se retire en haut aussi-bien que les narines ; les yeux forts ouverts ; la paupière de dessus cachée sous le sourcil ; le blanc de l’œil environné de rouge ; la prunelle égarée se place vers la partie inférieure de l’œil ; le dessous de la paupière s’enfle & devient livide ; les muscles du nez et des joues s’enflent, & ceux-ci se terminent en pointe du côté des narines ; la bouche fort ouverte, & les coins fort apparents ; les muscles et les veines du col tendus ; les cheveux hérissés, la couleur du visage comme du bout du nez, des lèvres, des oreilles, & le tour des yeux pâle & livide ; enfin tout doit être fort marqué. »
L’horreur, Chez J. Audran (Paris), 1727
Les expressions des passions de l’âme, représentées en plusieurs testes gravées d’après les dessins de feu M. Le Brun, planche 16
© BnF, Bibliothèque de l’Arsenal
© BnF, Bibliothèque de l’Arsenal
L’effroy, Chez J. Audran (Paris), 1727
Les expressions des passions de l’âme, représentées en plusieurs testes gravées d’après les dessins de feu M. Le Brun, planche 17
© BnF, Bibliothèque de l’Arsenal
© BnF, Bibliothèque de l’Arsenal
Darwin, quant à lui, relie aussi l’expression de l’horreur à celle de l’étonnement. Il avoue même avoir testé les images de Duchenne « sur 24 personnes sans un mot d’explication » et avoir interrogé nombre de correspondants dans le monde pour arriver à la même conclusion : « La crainte est souvent précédée de l'étonnement ; elle est d'ailleurs si voisine de ce dernier sentiment qu'ils éveillent instantanément, l'un comme l'autre, les sens de la vue et de l'ouïe. » (p. 315)
Mais alors même qu’il reprend sa photographie pour exprimer la terreur, il avoue douter du rôle déterminant du peaussier : « L’original ayant été montré à quinze personnes, douze ont répondu : terreur ou horreur, et trois : angoisse ou grande souffrance. D'après ces exemples et d'après l'étude des autres photographies publiées par le docteur Duchenne, avec les remarques qui les accompagnent, on ne peut douter, je crois, que la contraction du peaussier n'ajoute puissamment à l'expression de la frayeur. Cependant, il n'est guère possible d’accepter pour lui la dénomination de muscle de la frayeur car sa contraction n’est certainement pas nécessairement liée à cet état d’esprit. Une extrême terreur peut se manifester de la manière la plus nette par une pâleur mortelle, par la transpiration de la peau, et par une prostration complète, tous les muscles du corps, y compris le peaussier, étant complètement relâchés. » (p. 234)
Mais alors même qu’il reprend sa photographie pour exprimer la terreur, il avoue douter du rôle déterminant du peaussier : « L’original ayant été montré à quinze personnes, douze ont répondu : terreur ou horreur, et trois : angoisse ou grande souffrance. D'après ces exemples et d'après l'étude des autres photographies publiées par le docteur Duchenne, avec les remarques qui les accompagnent, on ne peut douter, je crois, que la contraction du peaussier n'ajoute puissamment à l'expression de la frayeur. Cependant, il n'est guère possible d’accepter pour lui la dénomination de muscle de la frayeur car sa contraction n’est certainement pas nécessairement liée à cet état d’esprit. Une extrême terreur peut se manifester de la manière la plus nette par une pâleur mortelle, par la transpiration de la peau, et par une prostration complète, tous les muscles du corps, y compris le peaussier, étant complètement relâchés. » (p. 234)