La Bibliothèque-Musée de l'Opéra
Charles Garnier avait prévu pour son opéra
un triple impératif de luxe, de solennité et de sécurité.
Le "Pavillon de l'Empereur" situé à l'aile occidentale
du bâtiment (côté jardin) comprenait une rampe d'accès
à une rotonde "à couvert" pour les voitures
et, à l'étage supérieur, une loge, un salon et
un fumoir.
Après la chute de l'Empire, cet espace fut cédé
à la bibliothèque et au musée. La configuration
actuelle date de 1991. Ainsi la salle de lecture de la bibliothèque
occupe le salon, les expositions temporaires la rotonde basse,
et le musée le fumoir.
La Bibliothèque-musée de l'Opéra conserve des sources
importantes sur les spectacles produits depuis trois siècles
par l’Académie de musique, sur les Ballets russes, sur
le théâtre lyrique, la danse et le music-hall, sur le Palais
Garnier et les bâtiments construits par Charles Garnier, sur l’architecture
de l’actuelle salle de l’Opéra-Comique.
Depuis sa fondation en 1669 jusqu’au milieu du
XIXe siècle, l’Académie
d’Opéra, puis Académie de Musique (à l’origine
de l’Opéra de Paris), a occupé successivement diverses
salles sans qu’aucune institution n’ait été
officiellement chargée d’assurer une continuité
dans la gestion des archives et dans la conservation des divers documents
produits par l’activité du théâtre. Chaque
changement de direction du théâtre s’accompagnait
donc d’une liquidation ou d’une dispersion malheureuse d’archives.
Lorsque Charles Garnier présente le programme de son nouvel opéra,
en 1861, l’installation d’une bibliothèque et des
archives y est prévue : une salle du pavillon oriental, au-dessus
de la Rotonde du glacier, leur est dévolue.
À la faveur de la nomination d’Émile Perrin comme
directeur-entrepreneur de l’Opéra, un arrêté
du 16 mai 1866 institue officiellement un bibliothécaire et un
archiviste, placés sous la tutelle du ministre de la Maison de
l’Empereur et des Beaux-Arts et chargés de la conservation
du patrimoine de l’Opéra.
Le nouvel opéra est inauguré en 1875 et une rotonde garnie
de boiseries, côté cour, accueille les premiers lecteurs.
L’accès pour le public n’y est cependant pas commode.
En 1877, sur les instances de Nuitter, archiviste de l’Opéra,
la Commission du budget propose donc au gouvernement l’installation
de la Bibliothèque dans la partie du bâtiment primitivement
destinée à l’empereur. La nouvelle salle de lecture
est inaugurée le 1er mars 1882. Par ailleurs, le succès
de l’Exposition théâtrale de l’Exposition Universelle
de 1878, exposant maquettes de costumes et de décors notamment
en trois dimensions, provoqua l’installation dans l’ancien
fumoir d’un musée, ouvert le 15 octobre 1881.
Dépendant d’abord du Secrétariat d’Etat
aux Beaux-Arts, la bibliothèque de l’Opéra a été
rattachée à la Bibliothèque nationale en 1935,
et au département de la musique depuis la création de
ce dernier, en 1942.
En 1952, à la suite de l’entrée dans ses collections
du fonds des Archives internationales de la danse, la bibliothèque
de l’Opéra prend la dénomination "Bibliothèque-musée
de l’Opéra" (BMO).
Modes d’acquisition et politique documentaire
Ayant pour mission de conserver le patrimoine de l’Opéra
et préservant ses trois compétences d’origine (archives,
bibliothèque, musée), la BMO a constitué son fonds,
et l’accroît aujourd’hui, grâce au dépôt
des documents musicaux, iconographiques et archivistiques découlant
de l’activité de l’Opéra et de l’Opéra-Comique
(réuni à l’Opéra de 1939 à 1972 sous
la Réunion des théâtres lyriques nationaux), mais
aussi par le dépôt légal et par don, dépôt
ou achat de documents littéraires, musicaux, iconographiques
et muséographiques relatifs au théâtre lyrique et
à la danse.
Le fonds musical de la BMO est constitué essentiellement :
- du fonds A, dit "Répertoire de l’Opéra",
qui rassemble, sous un classement chronologique, les partitions en
grande partie manuscrites, réalisées et versées
par le Bureau de la copie depuis Les Peines et les Plaisirs de
l’amour de Cambert (1671) jusqu’aux Dialogues
des Carmélites de Poulenc (1957) ;
- de l’important fonds de matériels d’orchestre,
provenant de l’Opéra ;
- du fonds F, regroupant la musique (partitions et matériels,
imprimés et manuscrits) provenant de l’activité
de l’Opéra Comique ;
- du fonds La Salle, confisqué à la Révolution,
transféré partiellement de la bibliothèque de
la Sorbonne à celle de l’Opéra en 1873. Il contient,
outre 182 volumes de musique imprimée du XVIIIe
siècle, les matériels de 63 ouvrages de la même
époque.
Parmi les manuscrits autographes conservés dans ce fonds figurent
:
- Les Surprises de l’Amour (Prologue "Le retour
d’Astrée") de Rameau
- Armide de Gluck
- Ermione de Rossini
- Tannhäuser (fragments autographes pour la version
de Paris) de Wagner
- Cendrillon de Massenet
- Louise de Gustave Charpentier
- Le Marchand de Venise de Reynaldo Hahn
- Dialogues des Carmélites de Francis Poulenc.
Les sources iconographiques conservées à
la BMO sont au moins aussi considérables que les sources musicales.
Les maquettes des costumes des spectacles de l’Opéra constituent
une série continue du début du XIXe
siècle à nos jours. La série des maquettes de décors
connaît des débuts plus tardifs (1863), mais des dons et
des achats ont permis de remonter plus haut (Isabey, Percier et Fontaine,
Cicéri, Cambon, Chaperon,…). Pour des époques plus
récentes, il convient de mentionner l’apport remarquable
des dons de Pier Luigi Pizzi et d’Ezio Frigerio.
En plus des maquettes de décors et de costumes que lui verse
l’Opéra, la BMO s’est enrichie de documents graphiques
antérieurs au XIXe siècle. En
1876, la vente du baron Taylor lui permet d’acquérir des
dessins de costumes du XVIIIe siècle.
En 1879, un échange entre le Ministère de l’Instruction
publique et des Beaux-Arts d’une part, et le Ministère
des Travaux publics, d’autre part, permet à une série
de dessins de costumes et de décors du XVIIe
et du XVIIIe siècle, appartenant au
Mobilier national, d’entrer dans les collections de la Bibliothèque.
Le fonds archivistique et le fonds Rouché
En 1932, en exécution d’une décision
prise par l’inspecteur des bibliothèques Pol Neveu, les
archives administratives versées jusqu’alors par l’Opéra
à la bibliothèque, sont versées aux Archives nationales.
Les documents reliés (registres et journaux de bord) ainsi qu’une
grande partie de la correspondance des artistes avec la direction de
l’Opéra ont été conservés par la BMO
qui détient donc toujours des documents sur les représentations,
recettes et répétitions. Les archives de l’Opéra-Comique,
stockées depuis 1832 dans la salle Ventadour, ont été
versées à la Bibliothèque-musée dès
sa création et transférées pour partie, elles aussi,
aux Archives nationales.
Ce fonds d’archives administratives de l’Opéra et
de l’Opéra-Comique est complété par le fonds
Rouché qui, entré par don à la BMO en 1972, contient
des documents concernant le Théâtre des Arts, l'Opéra
et l'Opéra-Comique dont Jacques Rouché fut directeur de
1911 à 1945.
Les collections sur les Ballets russes et le fonds Kochno
Parmi les documents versés à la BMO par
l’Opéra de Paris se trouvent, notamment, les maquettes
de décors et de costumes de spectacles créés ou
recréés à l’Opéra par les Ballets
russes, ou repris postérieurement dans ce théâtre
en faisant appel aux mêmes artistes : les décorateurs Léon
Bakst, Alexandre Benois ou Natalia Gontcharova, le danseur-chorégraphe
Serge Lifar, etc. Ces collections constituent le noyau primitif d’un
ensemble exhaustif sur les Ballets russes comme il y en a peu au monde
et où les anciennes collections de Boris Kochno tiennent une
place majeure.
En 1975, en effet, Boris Kochno, secrétaire de Diaghilev puis
directeur artistique des Ballets russes, mit en vente une partie de
ses collections et la Bibliothèque nationale se porta acquéreur
d’un fonds de correspondance, de partitions et de photographies
divisé entre le Département de la Musique (site Louvois),
pour les partitions, et la Bibliothèque-musée de l’Opéra,
pour la correspondance et les photographies originales des productions
des Ballets russes (près de 700 dans 25 albums). Après
la mort de Boris Kochno, en 1990, ses héritiers mirent en vente
chez Sotheby’s les restes de sa succession. La Bibliothèque
nationale acquit pour la Bibliothèque-musée de l’Opéra
un très important fonds d’archives, de correspondance,
de projets, d’ébauches de travaux et de mémoires,
dont des lettres et carnets d’esquisses de peintres.
Dès lors, la Bibliothèque-musée de l’Opéra
compléta ce fonds considérable par l’achat régulier
de documents iconographiques sur les Ballets russes.
En 2002 enfin, la Bibliothèque-musée de l’Opéra
s’enrichit par dation des maquettes de décors et de costumes,
des dessins et des tableaux ayant appartenu à Boris Kochno.
Les collections sur la danse
et le fonds des Archives internationales de la danse
À côté du fonds provenant de l’Opéra
de Paris et des collections sur les Ballets russes, le fonds des Archives
internationales de la danse constitue le troisième élément
important des collections de danse de la BMO.
Fondées en 1931 par Rolf de Maré, ancien directeur de
la fameuse et éphémère compagnie de danse les Ballets
suédois (1920-1925), les Archives internationales de la danse
(AID) se voulaient une sorte de centre culturel dédié
à la danse et avaient une activité de musée, de
bibliothèque, de salle de spectacles et de galerie d’expositions.
L’institution fut finalement dissoute et les collections furent
réparties en 1952 entre le Musée de la danse de Stockholm,
pour l’iconographie des Ballets suédois et les objets d’Extrême-Orient,
et la Bibliothèque-musée de l’Opéra, pour
l’ensemble de la bibliothèque, les collections ethnographiques
et la plupart des pièces du musée.
Grâce à l’entrée de ce fonds dans ses collections,
la BMO devint l’une des plus importantes bibliothèques-musées
de danse en Europe.
Les collections sur le mime et le cirque
Le mime Georges Wague (1874-1965), qui débuta
à l’Opéra en 1916 et interpréta pendant 28
ans les rôles de mime avec Argentina, Ida Rubinstein, Spessivtzeva
et Lycette Darsonval, donna en 1964 à la Bibliothèque-musée
de l’Opéra un tableau de Jean Pezous représentant
Le mime Jean Gaspard Deburau en Pierrot et un ensemble de documents
et d’ouvrages relatifs à la pantomime. En 1971, conformément
à son vœu, les papiers relatifs à sa carrière
(programmes, affiches, coupures de presse, photographies, lettres…)
entrèrent dans les collections de la BMO.
Complémentairement à ce fonds, la Bibliothèque-musée
de l’Opéra conserve la correspondance de Georges Wague
avec la direction de l’Opéra de Paris, un important ensemble
de gravures et de photographies de cirque (provenant en grande partie
des Archives internationales de la danse) et les papiers de Tristan
Rémy, historien du cirque et du mime.
Les collections sur l’architecture et le Fonds Garnier
La BMO conserve une grande partie des archives de l’architecte
Charles Garnier (1825-1898) et de son agence. Ces archives, données
à la bibliothèque par l’architecte en 1883 et par
sa veuve en 1919 et 1920, se composent de papiers et d’objets
personnels mais aussi d’archives administratives et professionnelles,
de documents techniques (et notamment de plans) et de photographies
(photographies de construction) tant pour le Palais Garnier que pour
de nombreux autres édifices (observatoire de Nice, Opéra-casino
de Monte-Carlo, Villas de Bordighera, etc.) construits par l’architecte
ou par son agence. La BMO conserve également une partie des archives
de l’Agence Garnier pour des périodes postérieures
au décès de l’architecte (entretien et restauration
du Palais Garnier).
La Bibliothèque-musée de l’Opéra complète
aujourd’hui par achat ce fonds important qui forme le noyau des
collections d’architecture de la Bibliothèque, ces dernières
comprenant également un fonds de plans de l'actuelle salle de
l’Opéra-Comique construite par Louis Bernier, un vaste
ensemble de plans originaux ou gravés du XVIIe
au XXe siècle de théâtres
européens et un ensemble important de livres d’architecture.
Le fonds du musée était composé
à l’origine de "souvenirs pieux" ayant appartenu
à des chanteurs, danseurs, compositeurs, musiciens. L’ensemble,
qui compte environ 3000 pièces dont 500 tableaux, s’accroît
aujourd’hui de documents ayant une valeur documentaire et artistique
sur le théâtre lyrique et sur la danse.