La société française, en 1968, s'installe dans une paix durable et connaît une forte expansion économique qui nourrit une croyance infaillible dans le progrès. Cet optimisme cache toutefois une société bloquée qui aspire à de fortes mutations culturelles et sociales.
Loin de profiter à tous, la nouvelle société de consommation génère frustrations et critiques ; le pouvoir fort – incarné par De Gaulle dès 1958 – le manque de dialogue social et la sclérose des institutions nourrissent la contestation qui éclate le 22 mars chez les étudiants, et qui s'étend à d'autres catégories de la population lors du meeting de solidarité avec les étudiants de Nanterre du 3 mai 1968.
Figure tutélaire du pouvoir politique, image du père et symbole d’un temps révolu, le général De Gaulle incarne pour la jeunesse en colère le "mal" à combattre.
Il est au centre de toutes les critiques et caricatures.


La composante fortement anti-autoritaire du mouvement de Mai 68 s’élève contre la rigidité de tous les appareils ou les institutions qui structurent la société : église, école, pouvoir politique, entreprise.
La société française d’alors est tiraillée entre une modernisation économique et une flagrante rigidité des mœurs : c’est dans cet écart que va puiser le mouvement. Droit à la parole, libération sexuelle, revendication hédoniste, sont les maîtres mots de Mai 68.
Le mouvement de Mai 68 en France, même s’il a ses caractéristiques propres, s’inscrit dans un contexte international de contestation, marqué par le réveil des peuples du tiers-monde et la guerre du Vietnam.

Le refus d’intégrer la société de consommation, incarné aux États-Unis au cours des années cinquante par le phénomène beatnik à la suite de Jack Kerouac et relayé dans les années soixante par le mouvement hippie influence le mouvement de Mai.
La musique rock, venue des États-Unis ou de Grande-Bretagne, exprime la fureur de vivre d’une génération en quête de sens et une forme de contre-culture qui sera reprise en France dès l’après Mai 68.
La contestation ne se limite pas aux barricades et aux pavés du quartier latin, ni à la grève générale. Universités, lycées, usines occupées deviennent lieux de débat et de réflexion. Témoins de cette activité, tracts et affiches, mais aussi rapports, programmes et projets…
On invente une nouvelle société, fondée sur l’autogestion, la participation ; on réorganise l’enseignement ; on rêve d’une alliance entre l’ouvrier et l’étudiant. Les influences les plus diverses se mêlent.
Les mots empruntent au trotskisme ou au surréalisme, en passant par le maoïsme. La lutte des classes rejoint les utopies communautaires. On cite Bakounine aussi bien que Martin Luther King. Ainsi se crée cette langue si particulière, si riche en impératifs et en verbes d’action.
La contestation des pouvoirs en place n'épargne pas le monde communiste, rejeté sous sa forme stalinienne. Cette contestation favorise le développement des mouvements gauchistes qui jouent un rôle majeur en France dans les événements de Mai. Les uns s’inscrivent dans la mouvance trotskiste, elle-même divisée en chapelles ; les autres, marxistes-léninistes, revendiquent la Chine de Mao.

Un petit groupe de théoriciens de la société, les "situationnistes" – parmi lesquels Guy Debord et Raoul Vaneigem – prône l’autogestion, la révolution de la vie quotidienne ("Vivre sans temps mort et jouir sans entraves").
Les "Situs" utilisent volontiers le détournement de bandes dessinées ou d’images pour faire passer leurs messages politiques. La publication de De la misère en milieu étudiant connaîtra un franc succès.

x