
« Cette lueur entrevue qui ordonne notre nuit intérieure, nous  la rêvons d’abord au sein même de la terre, dans la nudité sans visage, mêlée  aux alluvions, confondue à la roche, avant d’oser lever les yeux vers les  sommets qui se contemplent à visage découvert dans la mouvance limpide du ciel.
Habiter les chaos et les antres, se retrouver aux frontières  de l’eau et de la terre, de la terre et du ciel, de l’organique et du minéral,  organiser un monde par la danse des corps, explorer la mémoire des  métamorphoses, autant d’expériences originaires vécues sur les sites naturels  et imaginaires de l’inutile, qu’une aube nouvelle découvre.
Les limons recueillent nos empreintes, les pierres jalonnent  nos chemins, les torrents charrient nos espérances tendues vers les cimes  enneigées, enfouissement et détachement guident nos pas et ravissent nos  songes. Ainsi nous oscillons de l’obscure adhérence tellurique qui fige nos  corps dans le délaissement à la radiance céleste qui illumine nos errances  aveugles, des ténébreux abîmes du dedans aux ardentes nuées du monde.
Éprouver par le corps ondoyant la dense vibration de la  matière, et par l’image fixe l’impalpable fluidité de la Lumière, nous pousse  irrésistiblement hors des limbes du Chaos quand la Lumière révèle  l’impermanence inouïe des formes rêvées par la matière, quand l’opposition  devient communion, quand notre exil se mue en voyage sans fin.
La même terre porte tous les hommes sans dérobement, comme  la même Lumière les éclaire pour peu qu’ils se redressent, qu’ils lèvent le  regard et découvrent leurs visages. Alors, la Rencontre sublime les  brumes originelles et fonde cette intime conscience d’exister dans la présence  ouverte de l’image. » 
Gilbert Gormezano et Pierre Minot