Voyageurs, comme le sont aujourd’hui beaucoup d’artistes pour qui le déplacement est devenu une condition et parfois une composante de l’œuvre, Minot et Gormezano ont exploré de nombreux sites. En France, les plages de la Normandie et du Cotentin, les Alpes du Sud, le Lubéron, les Pyrénées, les chaos de Fontainebleau ou du Val d’Enfer, le causse Méjean, les gorges du Tarn… Hors de France, le massif de l’Himalaya, où ils se rendent de nombreuses fois pour de longs séjours.
Dans le souci d’éclairer la genèse des images, on nommera dans le présent texte certains de ces lieux. Mais il importe de souligner d’emblée que, dans la forme définitive du travail, toute référence à la toponymie disparaît.
Le mouvement de sortie des ateliers qui a conduit les artistes, dès la fin des années 1960, à investir des espaces naturels, aura instauré essentiellement deux formes d’œuvres. Celles qui se donnent à voir
in situ, à l’endroit même de leur réalisation, et celles, majoritairement photographiques, qui sont porteuses de la mémoire d’une action, d’une intervention, parfois d’une simple présence, en un lieu donné, en un temps donné. Leur nature fondamentale de traces appelle souvent un titre, voire une légende intégrée à l’œuvre, qui précise le moment de l’intervention, parfois à l’heure près dans le cas de réalisations éphémères, ainsi que le lieu, proche ou lointain, exotique, familier ou banal, dans lequel elle s’est déroulée. Ces toponymies se chargent, comme les notations temporelles, d’une valeur probatoire. Elles attestent que là, quelque chose s’est accompli, « a eu lieu » précisément. Elles viennent compléter, confirmer, documenter le « ça a été » photographique.
Il est donc remarquable que Minot et Gormezano, sans cesse en quête de nouveaux lieux pour y inscrire leur travail, lui-même étroitement dépendant de la configuration des sites, ne nomment à peu près jamais ces lieux, et que les notations temporelles se réduisent également, dans les titres, à l’indication de l’année.