La fin du XVIIIe siècle a vu l’avènement d’une sensibilité nouvelle à la haute montagne et la mutation des « pays affreux » des anciens récits de voyages en « paysages ». Il est désormais courant d’associer cette évolution au renouveau, à travers Burke et Kant, de la catégorie antique du « sublime », soit à ce « plaisir mêlé d’effroi » que nous pouvons ressentir « à l’aspect d’une chaîne de montagne dont les sommets enneigés s’élèvent au-dessus des nuages ». Si, dans l’histoire de la peinture de paysage, la montagne appartient à la « typologie du sublime », Alain Roger relève cependant, dès la deuxième moitié du XIXe, une « faillite » de la peinture dans ce domaine, au profit d’une photographie dont la séduction tient paradoxalement à son objectivité documentaire et à son absence de prétention artistique. Plus tard encore, Ansel Adams, dont on a déjà souligné l’importance pour Minot et Gormezano, n’est pas étranger à cette relation à la fois athlétique et scientifique à la haute montagne : l’attestent ses liens étroits avec le High Sierra Club, et sa fréquentation de savants explorateurs topographes et géologues. Cependant, certaines de ses images perturbent délibérément la compréhension objective du paysage et vont dans le sens d’une abstraction déroutante. C’est le cas par exemple des photos de reflets, tel l’extraordinaire effet de miroir de Wanda Lake near Muir Pass (1933).