Lors de la confrontation au lieu, le geste premier de Pierre Minot est celui du dépouillement, « entrée en nudité » par laquelle l’homme se défait de son identité sociale. Dès les images d’
Espace désaffecté où il arbore parfois à la cheville une corde – que les artistes rapprocheront après coup de la figure du Pendu dans le jeu de tarot – et à l’exception des vues prises au cimetière du Père-Lachaise, la figure apparaît toujours nue. Seuls accessoires, les linges, bandelettes ou cordes servent à rejouer ce moment de l’émergence, de la surrection du corps dans une seconde naissance, thème qui se précise plus tard avec la coque de papier de
La Nuit, le Jour.
Nu, mais souvent maculé, parfois enduit de ces boues limoneuses ramassées au pied des falaises, disparaissant à demi sous diverses croûtes terreuses, enfoui dans le sol meuble où il semble vouloir s’effacer, le corps se revêt souvent de la matière, ou plutôt devient lui-même, forme parmi les formes, une de ces « rêveries de la matière » dont parle Bachelard.
La nudité, c’est aussi la condition d’une expérience, un état de conscience de la chair dans sa relation avec la nature environnante, voire une épreuve. Les actions ont souvent été accomplies dans le froid, ce froid qui explique, au moins en partie, telle posture crispée sur les marches d’une ruine, telle allure dansante sur la pointe des pieds, lors de la traversée d’un ruisseau, ou l’enroulement du corps recroquevillé sur sa propre chaleur, au bord des névés. Au-delà de l’anecdote, il s’agit bien d’une expérience initiatique, d’un passage nécessaire par l’hostilité du monde, qui doit être éprouvée pour être, d’une certaine façon, dépassée. On relèvera que cette traversée de la souffrance est un thème chamanique récurrent, dont a fait usage un Joseph Beuys. Mais l’on peut aussi songer à certaines performances des actionnistes viennois (Pierre Minot en particulier souligne la force de la présence humaine et l’impression de vitalité qui se dégage de leurs œuvres).