On s'aperçoit depuis quelques années que des archives publiques
et privées conservent des photographies anciennes du Japon :
ces images méritent l'attention et le respect que l'on porte aux
enluminures médiévales. Attention à l'égard
du sujet : la façon d'être et de vivre d'une société,
l'environnement qui était le sien avant qu'un profond bouleversement
n'en supprime pour toujours les manifestations et les traits millénaires.
Respect à l'égard du travail : à l'époque,
chaque épreuve positive réussie est le maillon ultime d'un
processus manuel complexe qui, de la préparation des surfaces sensibles à la
repique des tirages en passant par le cadrage du motif et la prise de
vue, exige un réel savoir-faire artisanal. S'il n'est pas forcé d'accomplir
lui-même toutes les manipulations requises pour réaliser
un cliché et en tirer des épreuves, l'auteur y consacre
cependant plus d'heures qu'aujourd'hui. Il faut ajouter ici le coloriage
des épreuves, non que les ateliers européens l'aient ignoré,
mais les artistes japonais s'y adonnent couramment, témoignant
en sus d'une délicatesse et d'une dextérité remarquable.
Bref, la réalisation complète d'un tirage demande alors
plus de temps qu'un dessin. L'avantage sur l'iconographie traditionnelle
ne tient donc pas dans la facilité d'exécution ; il réside
dans la multiplication (limitée) de l'image et dans l'exactitude
(relative) de la représentation.