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Les Mille et une nuits

par Annie Vernay-Nouri

Appartenant au patrimoine culturel de l’humanité, le texte des Mille et une nuits  (Alf layla wa layla en arabe) connait au long des siècles une aventure singulière. Originaire d’Inde, s’enrichissant d’apports successifs dans le monde arabo-musulman, il rencontre avec la traduction française d’Antoine Galland au XVIIe siècle un succès considérable. Ce succès cache pourtant un paradoxe. Alors qu’il symbolise pour le lecteur européen la littérature arabe, le recueil ne jouit pas du même prestige dans le monde musulman. Rarement illustré dans ses versions arabes, c’est en Europe qu’il donne  naissance à un univers visuel fantasmatique.

Premiers témoignages

 

 

Écrit par l’historien al-Mas’ûdî  (m. en 926), un ouvrage encyclopédique,  Les Prairies d’or, mentionne  pour la première fois un recueil de contes persans nommé Hazâr Afsânâ (Mille contes) traduits en arabe sous le titre de Alf layla (mille nuits). Quelques années plus tard, un libraire de Bagdad, Ibn al-Nadîm (m. en 995) parle dans son Catalogue d’un ouvrage inachevé de 420 nuits utilisant des contes grecs, arabes et persans.
Conservé à Chicago,  le plus ancien manuscrit connu confirme la présence des Nuits dans le monde arabe avant le Xe siècle. En 1896, à l’occasion de travaux, on découvre dans les ruines d’un cimetière du Caire de vieux documents d’archives. Au milieu des feuillets dispersés dans le monde, un chercheur identifie cinquante plus tard sur un fragment de papier, le titre des Mille et une nuits ainsi que le nom de Dinarzade et la date d’octobre 879. Aucun autre manuscrit ne nous est parvenu, antérieur au XVe siècle.

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Constitution du texte

 

On a établi l'histoire des Nuits à partir de ces rares témoignages. Le prototype du livre est le recueil persan Hazâr Afsânâ, aujourd’hui perdu, dont les éléments constitutifs sont indiens. On ne sait s’il est transmis oralement ou écrit par des lettrés mais il est traduit en arabe vers le VIIIe siècle dans la Bagdad abbaside. A la même époque, Kalila et Dimna,  célèbre recueil de fables animalières, venu aussi d'Inde et de Perse, est traduit par le grand prosateur Ibn al-Muqaffa'.
Les deux œuvres suivent des chemins différents: la première, dévalorisée, est rattachée à la culture populaire tandis que la seconde, destinée à l'édification des princes, appartient à la littérature savante.
A Bagdad,  les contes originels prennent une couleur locale et de nouveaux récits, spécifiquement arabo-islamiques, viennent s’insérer. Des personnages historiques comme le calife abbaside Harûn al-Rashîd et son vizir Ja’far apparaissent. Aux XIe et XIIe siècles sous le califat fatimide au Caire, le recueil connaît ses dernières transformations. Tandis que le petit peuple est dépeint de manière réaliste, de nouveaux contes merveilleux, où la magie tient une large place, prennent naissance. Au gré des conteurs, le livre s’enrichit ou s’appauvrit. De nouvelles histoires, autrefois indépendantes, s’incorporent à l’ensemble. Le texte acquiert une forme à peu près stable vers le XVIIe siècle.

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