La création renouvelée
La création de contes littéraires se renouvelle au XIXe et au début du XXe siècles : en Russie avec Pouchkine, en Allemagne avec Bechstein, en France avec la comtesse de Ségur, Alexandre Dumas ou George Sand et surtout au Danemark avec Hans Christian Andersen. Si il n’est pas une création proprement dite, le travail des frères Grimm donne une orientation nouvelle au conte de fées. Issus de la collecte des contes traditionnels allemands, leurs Kinder und Haus-Märchen ouvrent la voie aux folkloristes qui, dans les régions, vont inlassablement collecter, classer et étudier ce patrimoine populaire.
   
 
  Andersen, le père du conte de fée moderne
Un premier recueil de contes d’ Andersen est publié en 1834 sous la forme de deux minces fascicules. Leur succès, immédiat et considérable, encourage Andersen à écrire quelque 173 contes. Véritables créations littéraires dans un style très personnel, ses Contes danois placent le merveilleux au cœur de la société contemporaine et non plus dans un ailleurs irréel. Remarquables par leur ironie et l’absence des morales traditionnelles, ils osent présenter des histoires tragiques et des fins malheureuses, comme La Petit Marchande d’allumette.
En France, la comtesse de Ségur se lance dans le genre en l’honneur de ses petites filles Camille et Madeleine. Charles Nodier, André Maurois, Jean Macé, Edouard de Laboulaye, Charles-Robert Dumas écrivent à leur tour des recueils pour enfants qui rencontrent un immense succès. Ces derniers poursuivent la tradition féerique jusqu’à Pierre Gripari qui propose dans les années 1960 des versions parodiques actualisées avec ses Contes de la rue Broca
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Etudier les contes
Ce sont deux frères allemands qui fondent la science moderne de l’étude des contes : Jacob et Wilhelm Grimm. Ils commencèrent à collecter des contes dès 1807, les faisant lire à leurs amis, comparant les versions. En réaction à la compilation littéraire Des Knaben Wunderhorn de leurs amis Clemens Brentano et Achim von Arnim – somme de contes et chansons populaires arrangés ou réécrits – les deux frères décident de publier en 1812 leur propre recueil de contes : Kinder und Haus-Märchen. Pour la première fois, le principe de fidélité prend le pas sur la mise en forme littéraire.
Recueillis auprès de la "vieille Marie", de Dorothea Viehnamm, des sœurs Hassenpflug et d’un réseau de plus en plus vaste de correspondants, les contes seront progressivement retravaillés, en quête des formes originelles. Cette œuvre littéraire et scientifique fut toujours conçue comme une part de la quête de la vieille culture allemande entreprise par Jacob Grimm, à travers la grammaire, la langue, la mythologie et le droit. Plus de deux cents contes rassemblés lui permirent d’élaborer la première théorie scientifique de l’origine des contes, sur des bases linguistiques aujourd’hui dépassées par la recherche.

   
 
  Enquêteurs et collecteurs
Cette démarche de reconstitution et de sauvegarde des traditions populaires a un immense écho dans tous les pays d’Europe, provoquant des collectes de plus en plus scientifiques et l’étude du folklore : en France Souvestre, Luzel, Sébillot, plus récemment Pourrat et son Trésor des contes de plus de trois cents histoires. A la collecte, ces folkloristes ajoutent la classification et la systémisation, dont le recueil des contes russes d’Alexandre Affanassiev, constitué de 1855 à 1863, reste un modèle.
L’étude des variantes débouche sur la notion de "conte-type" définie par le Finnois Anti Aarne. Dans les années 1930, le structuralisme de Vladimir Propp met en évidence les "fonctions" du conte, véritables briques de ce que le Français Claude Brémond définit comme un "meccano", et l’Anglais Tolkien comme une "soupe éternelle", toujours enrichie de nouveaux éléments, bouillonnant dans le "chaudron du conte".