Origines médiévales et italiennes
Le merveilleux dans la culture médiévale
La littérature médiévale constitue un jalon majeur de l’histoire du conte occidental. Le merveilleux y abonde, inspirant chansons de geste, sagas, fabliaux ou romans et jusqu’aux exempla des prédicateurs.
Fées et prodiges se mêlaient aux hommes au point de peupler leur généalogie et leurs récits d’origine. La légende fait ainsi de la fée Mélusine la souche originelle des Lusignan. Dans les années 1160, Marie de France compose douze lais en vers inspirés des contes populaires bretons auxquels ils empruntent les éléments merveilleux – objets magiques, métamorphoses, loups-garous, fées – et la structure. Cinq siècles plus tard, Mme d’Aulnoy puisera dans le lai d’Yonec la matière de L’Oiseau bleu
   

   
    Avec son enchanteur et son serpent monstrueux, l’histoire de Valentin et Orson, adaptation d’une chanson de geste du XIVe siècle disparue, devient l'un des contes les plus populaire du Moyen Âge. Le roman arthurien Perceforest renferme l’histoire de Troylus et Zellandine qui préfigure celle de La Belle au Bois dormant. Le Roman de Renart déploie un univers d’animaux doués de parole, de raison et de fourberie. Compensant sa faiblesse par son intelligence, le rusé Goupil n’est pas sans rappeler les héros des contes de fées.
Les exempla – récits exemplaires inspirés de la tradition orale – exposent les leçons du salut dans les prédications au XIIIe siècle. La compilation qu’entreprend Etienne de Bourbon vers 1250 offre quelque trois mille anecdotes dont nombre de contes merveilleux, telle l’histoire de Robert le Diable dont le motif – le chevalier inconnu – se retrouve dans Jean-de-Fer, conte des frères Grimm.
   
 
  La littérature renaissante emprunte au merveilleux
La rencontre des éléments du merveilleux avec la littérature fut toutefois longue à faire naître un genre particulier. Longtemps fées, sorcières et autres personnages restèrent les comparses occasionnels et non le cadre même des romans ou du théâtre : ainsi des sorcières de Macbeth et des fées du Songe d’une nuit d’été chez Shakespeare, ou des géants de Rabelais. Gargantua fourmille d’épisodes tirés des fabliaux et des contes populaires mais le merveilleux ne constitue pas le cœur du récit. Publiés en 1547, les Propos rustiques de Noël du Fail rapportent les conversations de quatre vieux compères bretons tout en contant les aventures de Maître Renart, Mélusine, des histoires de fées et de loup garou ainsi que celle de "cuir d’Asnette". En 1572, l’une des nouvelles du recueil de Bonaventure des Périers, Contes ou Nouvelles Récréations et Joyeux Devis, s’intitule "D’une jeune fille nommée Peau d’Âne".
  
Straparola et Basile : deux initiateurs du genre littéraire
Mais c’est en Italie, à la Renaissance, que prend forme le conte merveilleux dans un récit-cadre emprunté au Décameron de Boccace.
    

   
Dans les années 1550, le vénitien Straparola fait paraître des Piacevoli Notti, "nuits facétieuses" composées de soixante-treize favole, littéralement fables, plus concrètement contes, parmi lesquels quatorze contes de fées. A Murano, durant la période de carnaval, Lucretia Sforza désigne quotidiennement cinq jeunes filles chargées, chaque soir, de divertir sa cour en racontant une histoire et en la faisant suivre par une énigme. Cinq fables sont ainsi contées chaque nuit sauf durant la dernière nuit où les treize membres de l’assemblée sont invités à intervenir. L’originalité principale des Piacevoli Notti réside dans le fait de livrer les premières transcriptions littéraires de contes populaires issus du folklore paysan vénitien, jusqu’alors exclusivement transmis oralement.
A la suite de Straparola, le napolitain Basile rédige en 1625 Lo Cunto de li cunti, autrement connu sous le nom de Pentamerone. Ce Conte des contes se compose d’un récit-cadre de cinq journées dans lequel sont insérés cinquante contes de fées réunissant l’ensemble des ingrédients du merveilleux : princes et princesses, fées, ogres et magiciens, animaux parlants et objets magiques, désirs d’enfant, épreuves à surmonter et dénouements heureux.

Le conte de fées littéraires comme forme narrative courte est ainsi né de la novella et autre conto italiens. Il faut toutefois attendre le XVIIe siècle pour que naisse un véritable genre littéraire, théorisé par Charles Perrault dans la fameuse Querelle qui l’oppose à Boileau et aux Anciens.