Les Orientales,
"Le Feu du ciel" |
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Ce sont ces jeux d'ombres et de lumière
qui donnent aux burgs et châteaux leur puissance visuelle qui a
si fortement impressionné le poète lors de ses voyages :
c’est un univers fantastique de légende qui s’ouvre à lui.
Le clair-obscur donne une dimension étrange, dans le projet de
frontispice pour Les Orientales, à l'escalier qui semble
monter vers un ciel béant, chargé de nuées orageuses.
Un paysage improbable se dessine derrière les ruines, rehaussé
de touches de couleurs bleues qui pourraient évoquer la mer. L’obscurité
domine et on ne sait d’où vient la lumière. Tous les éléments
mêlés invitent ici à la rêverie et se détachant
distinctement, comme des blocs de marbre, les fameuses initiales du poète
semblent rappeler que l’on pénètre dans son univers imaginaire. |
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Les
Contemplations |
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La création faite de ténèbres et d’angoisse est un aussi un "abîme où les soleils sont les égaux des mouches". Face à la nature et aux éléments, Hugo connaît "les grands vertiges" ; il se fait tout petit pour se fondre dans l’intimité de l’infime. Sous l’effet de la rêverie, un champignon peut devenir géant et les planètes, des globes à portée de main. Passant du plus petit au plus grand, la plume échappe aux mesures et tente de saisir l’infini tout entier. Une tache accidentelle se métamorphose en un "soleil d’encre"...
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Vérité
du grotesque |
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Le réel résulte de la combinaison toute naturelle de deux types, le sublime et le grotesque, qui se croisent dans le drame, comme ils se croisent dans la vie et dans la création. Car la poésie vraie, la poésie complète, est dans l’harmonie des contraires. Préface de Cromwell |
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L’univers graphique de Hugo est peuplé de figures
grimaçantes et grotesques, croquées çà et
là dans ses carnets. Caricatures de personnages fictifs ou réels,
entrevus et transformés par le regard du poète pour qui
"si le beau n’a qu’un type, le laid en a mille".
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Effet de
miroir |
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L'écriture s'était
imprimée sur le buvard. Les Misérables,
IV, XV, 1 |
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Négatif, positif, symétrie, empreintes, c'est ainsi que
peut se schématiser la recherche graphique que mène Victor
Hugo à partir de l'exil à Jersey. Elle prend de multiples
formes : photographie, application de papiers découpés,
de dentelles et d'objets aussi divers que végétaux, pièce
de monnaie ou fond de bouteille, pliages.
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De l'idée
qui rêve |
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Il jetait l’encre au hasard en écrasant la plume d’oie qui grinçait et crachait en fusées. Puis il pétrissait pour ainsi dire la tache noire qui devenait burg, lac profond ou ciel d’orage ; il mouillait délicatement de ses lèvres la barbe de sa plume et en crevait un nuage d’où tombait la pluie sur le papier humide ; ou bien il en indiquait précisément l’horizon. Il finissait alors avec une allumette de bois et dessinait de délicats détails d’architecture, fleurissant des ogives, donnant une grimace à une gargouille, mettant la ruine sur une tour et l’allumette entre ses doigts devenait burin. Georges Hugo, Mon grand-père |
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C’est avec les outils de l’écrivain que
Victor Hugo commence à dessiner : avec sa plume qui cette fois
"ne trace pas ces mots colorés […], mais s’amuse, n’étant
plus dirigée, à griffonner sur les marges de l’idée
qui rêve les vagues profils des souvenirs, les visions entrevues à
travers les brouillards, les chimères de la fantaisie et les caprices
fortuits de la main inconsciente" (Théophile Gautier) ; avec
son crayon de graphite et enfin avec l’encre, "cette noirceur qui fait de
la lumière", encre de chine, lavis, sépia. Cependant, dans l’isolement de l’exil, face aux tourments de l’océan, il va expérimenter de nouvelles techniques guidées par les caprices du hasard. Ce sont alors des "mixtures bizarres", où se mêlent giclées d’eau, suie et fusain ; l’utilisation de cartons, de barbes de plumes, de bâtonnets ; des découpages, des pochoirs, des collages de dentelles, des empreintes de doigts, bref, un vrai "bricolage pictural" destiné à traduire au mieux ce que lui dicte la "bouche d’ombre", cette expression de l’invisible ou de l’inconscient, révélée par les longues séances de spiritisme initiées à Jersey. |
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En appliquant une dentelle au verso de la feuille et en y ajoutant quelques
retouches à l’encre, Hugo fait naître un paysage. Sous ses
doigts, une tache
devient un ange, des lignes jetées
au hasard font surgir une danse de spectres. C’est le hasard, "l’accident",
qui suggère la destinée finale du dessin. L’expérience
photographique, mettant en lumière les ressources du négatif
et du positif, de la symétrie et du miroir, complète ces
pratiques tout en les influençant.
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"Ego
Hugo" |
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Caché derrière ses héros, exposé sur le devant
de la scène politique, théâtralement campé
dans la posture de l’exilé à travers les photos de Jersey
ou apposant sa marque dans les gigantesques décors
de Hauteville House, sa maison de Guernesey, Hugo a magistralement
mis en scène sa propre image.
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