"C’est par le studium que je m’intéresse à beaucoup
de photographies, soit que je les reçoive comme des témoignages
politiques, soit que je les goûte comme de bons tableaux historiques
car c’est culturellement (cette connotation est présente
dans le studium) que je participe aux figures, aux mines, aux
gestes, aux décors, aux actions.
Le second élément vient casser (ou scander) le studium.
Cette fois, ce n’est pas moi qui vais le chercher (comme j’investis
de ma conscience souveraine le champ du studium), c’est
lui qui part de la scène comme une flèche, et vient me percer.
Un mot existe en latin pour désigner cette blessure, cette piqûre,
cette marque faite par un instrument pointu ; ce mot m’irait
d’autant mieux qu’il renvoie aussi à l’idée
de ponctuation et que les photos dont je parle sont en effet comme ponctuées,
parfois même mouchetées, de ces points sensibles ; précisément,
ces marques, ces blessures sont des points.
Ce second élément
qui vient déranger le studium, je l’appellerai donc punctum ;
car punctum, c’est aussi : piqûre, petit trou, petite
tache, petite coupure – et aussi coup de dés. Le punctum d’une
photo, c’est ce hasard qui, en elle, me point (mais aussi
me meurtrit, me poigne."
Barthes Roland, La chambre claire. Note sur la photographie,
Gallimard-Le Seuil, 1980.