Un village kanak reconstitué au zoo de Vincennes

par Didier Daeninckx

"À Paris, il ne subsistait rien des engagements qu'avait pris l'adjoint du gouverneur à Nouméa. Nous n'avons pas eu droit au repos ni visité la ville. Un officiel nous a expliqué que la direction de l'Exposition était responsable de nous et qu'elle voulait nous éviter tout contact avec les mauvais éléments des grandes métropoles. Nous avons longé la Seine, en camion, et on nous a parqué derrière des grilles, dans un village kanak reconstitué au milieu du zoo de Vincennes, entre la fosse aux lions et le marigot des crocodiles […] Au cours des jours qui ont suivi, des hommes sont venus nous dresser, comme si nous étions des animaux sauvages. Il fallait faire du feu dans des huttes mal conçues dont le toit laissait passer l'eau qui ne cessait de tomber. Nous devions creuser d'énormes troncs d'arbres, plus durs que la pierre, pour construire des pirogues tandis que les femmes étaient obligées de danser le pilou-pilou à heures fixes. Au début, ils voulaient même qu'elles quittent la robe-mission et exhibent leur poitrine. Le reste du temps, malgré le froid, il fallait aller se baigner et nager dans une retenue d'eau en poussant des cris de bêtes. J'étais l'un des seuls à savoir déchiffrer quelques mots que le pasteur m'avait appris, mais je ne comprenais pas la signification du deuxième mot écrit sur la pancarte fichée au milieu de la pelouse, devant notre enclos : 'Hommes anthropophages de Nouvelle-Calédonie'."
Didier Daeninckx, Cannibale, Paris, Folio, 1999, p. 21-22

La lecture du livre de Didier Daeninckx peut être accompagnée de celle d'extraits d'ouvrages de Maurice Leenhardt, parus dans les années 1930, notamment Notes d'ethnologie néo-calédonienne, Paris, Institut d'ethnologie, 1930, réédition 1980, et Gens de la Grande Terre, Paris, Gallimard, 1937, réédition Nouméa, Éditions du Lagon, 1986.
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