Dans un effort inimaginable, diminué par une santé dégradée et la contrainte de l’enfermement dans une clinique, Henri de Toulouse-Lautrec relève un ultime défi. Il livre au médecin aliéniste qui le suit 39 dessins comme autant de reflets du cirque qu’il a aimé. Arraché à sa mémoire intuitive et fidèle, un matériau toujours vivant restaure les images d’un monde éphémère. C’est d’un trait amer, cependant, qu’il dessine aux crayons de couleurs des clowns, des animaux, des acrobates et des écuyers enfermés dans le cercle de la piste.
Sur l’estampe, la ballerine dont le tutu dépasse sous le mantelet bordé de fourrure qui la protège du froid des coulisses, termine un parcours quasi initiatique vers la piste baignée de lumière et la « chambrée » frémissante du public. Encore un peu protégée par le secret et l’ombre du vomitoire, l’écuyère en babouches suit son cheval qui entre dans le cercle, son panneau vide fixé sur sa croupe. Aidée par le régisseur de piste et accompagnée par un clown, tous deux encore encore hors champ, elle sautera dans quelques secondes sur le dos de sa monture pour danser sur des pointes légères, aidée par la stabilité du panneau, une petite scène de bois recouverte de cuir.