Mar del Sur
Il faut imaginer Magellan sur son navire, suivi par deux autres bâtiments,
s'engageant dans un dangereux détroit, long de 600 km. De temps à autre,
des foyers incandescents brillent dans la nuit. Après des semaines de navigation,
le dernier cap est enfin franchi, on le baptise « Deseado », « Le Désiré », le dernier
territoire qui laisse derrière lui les tempêtes et les peurs des semaines passées.
Une brise régulière souffle enfin, la couleur de la mer change, le calme règne
et Magellan baptise cette nouvelle mer « Mar Pacifico ». Ce qu'il ignore encore,
c'est que le plus pénible est à venir puisqu'il reste 20 000 km à parcourir, trois
fois plus que ce qu'il pensait. Après le passage du détroit, la grandeur du Pacifique
fut sa plus grande découverte.
Un siècle plus tard, au moment où le Hollandais Hessel Gerritsz réalise sa carte
du Pacifique, cette mer qui n'est pas encore un « océan » possède plusieurs
noms. Sa dimension n'est pas définie. On ignore les dangers de ses courants,
de ses vents. On ignore beaucoup des îles, petites ou grandes, qui le parsèment.
Les capitaines s'y perdent facilement, car on ne sait pas encore, en ce XVII
e siècle,
calculer les longitudes.
C'est donc un océan qui conserve ses mystères et qui fait peur aux marins
européens. On peut y mourir de faim ou du scorbut, on peut y être brûlé par le
soleil ou dévoré par un poisson gigantesque dans les courants déchaînés du sud.
Hessel Gerritsz borde les « mers » de terres et d'îles qui semblent bien fragiles,
devant toute cette immensité. Il dessine des navires où l'humain paraît petit et
impuissant mais où s'affirment avec force la puissance l'omniprésence de la flotte
hollandaise. Seules les lignes des vents, les écritures fines et délicates rassurent.
Les trois portraits de Balboa, Magellan et Lemaire sont comme des phares
lumineux, présents pour nous rappeler au combien exceptionnels furent leurs
périples, et qu'il reste encore beaucoup à faire.
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