arrêt sur...

La découverte du monde

Par Mireille Pastoureau

Cartes marines et grandes découvertes de l'Antiquité à la fin du XVIIIe siècle

Poussés par le goût de l'aventure, la soif des conquêtes ou l'attrait de la fortune, les navigateurs européens consacrèrent plusieurs siècles à l'exploration des mers du globe. Les cartes nautiques anciennes qui sont parvenues jusqu'à nous gardent l'empreinte des périples héroïques, des empires politiques et commerciaux, tour à tour édifiés, disputés, souvent ruinés, et de l'avancée de la science nautique.
Ce dossier retrace pas à pas les grandes aventures maritimes antiques et les découvertes majeures effectuées par les Européens, telles qu'elles intervinrent entre le XIVe et le XVIIIe siècle, à travers l'histoire des cartes marines. En explorant ces « Voies océanes », on comprendra de façon plus précise comment put évoluer en quelques générations décisives la perception globale de notre planète.
Une mer familière explore les navigations antiques. Les Phéniciens furent les premiers à établir un lien direct et permanent entre les deux extrémités du bassin méditerranéen. Les colonisateurs grecs hellénisèrent ensuite deux grands espaces méditerranéens, la mer Noire et les côtes européennes du bassin occidental, et posèrent les bases de la géographie. À partir du IIe siècle de notre ère, Rome devint à son tour une grande puissance méditerranéenne. En Europe du Nord, les Scandinaves ne faisaient pas moins la preuve de leurs exceptionnels talents de navigateurs. C'est néanmoins sur les rives de la Méditerranée que l'on constate, vers 1270, la véritable naissance de la carte marine qui accompagne l'expansion commerciale génoise et repose en partie sur l'invention de la boussole. Un autre foyer de cartographie se développa aussi un peu plus à l'ouest, dans les îles Baléares. Le grand intérêt des cartes portulans majorquines provient de leur extension aux côtes d'Atlantique, d'Afrique et d'Asie.
Des horizons inconnus montre comment, à l'aube du XVe siècle, des convois génois, vénitiens et catalans franchissaient régulièrement les colonnes d'Hercule pour longer la côte atlantique en direction des Flandres. La folie des épices et du poivre d'Orient, déjà en vogue dans le monde romain, poussa les Portugais de plus en plus loin le long de la côte africaine, sous l'impulsion d'Henri le Navigateur. L'Espagne et le Portugal se livrèrent alors sur les mers une concurrence effrénée qui culmina avec l'expédition de Bartolomeu Dias. La redécouverte de la Géographie de Ptolémée déclencha la renaissance de la cartographie européenne et permit à toute l'Europe intellectuelle de s'informer des progrès des grandes découvertes. Ces cartes furent étudiées par Christophe Colomb qui, persuadé d'avoir rejoint les Indes, découvrit l'Amérique au cours de ses quatre voyages. C'est cependant à Amerigo Vespucci, qui fut le premier à parler d'un Nouveau Monde, que le nouveau continent doit son nom.
Sur la route des deux Indes : Dix ans après l'exploit de Bartolomeu Dias, le voyage de Vasco de Gama, en 1497, récompensa quatre-vingts années d'efforts portugais pour rejoindre les Indes par la mer. Ce voyage changea le cours de l'histoire en inaugurant une nouvelle voie commerciale qu'il s'agissait de protéger. Comme c'est visible dans l'Atlas Miller, la consigne du secret tomba sur tout ce qui touchait à l'édition de cartes et à la navigation. C'est Magellan, un Portugais au service de l'Espagne qui accomplit l'exploit suivant : la première circumnavigation du globe et, via la découverte du passage qui porte son nom, la confirmation de l'existence de l'océan Pacifique. La rivalité entre l'Espagne et le Portugal dans leur partage du monde prit alors de telles proportions que les deux puissances firent appel à l'autorité du Pape pour régler leurs différents grâce au traité de Tordesillas.
Science nautique et grandes découvertes fait un tour d'horizon sur la question de l'évolution des sciences nautiques. L'invention de la caravelle portugaise, qui fut décisive, s'accompagne du raffinement des instruments de navigation : compas, cadran solaire, nocturlabe, sonde, loch... le tout aboutissant à l'apparition des cartes de longitude.
Avec l'aide de la cartographie, les marines européennes de la Renaissance se taillèrent des empires et se partagèrent le monde, lui donnant une configuration qui subsiste encore en grande partie aujourd'hui. La France entre alors dans la course avec l'école cartographique normande. L'imprimerie se hâta bientôt de propager les nouvelles des découvertes. Ses foyers furent les pays rhénans, l'Italie, puis la Flandre qui s'illustrèrent brillamment dans la gravure des cartes et la publication des atlas, dominée par le grand Mercator.
Le Nouveau Monde disputé revient sur le dessin des routes maritimes vers les Indes occidentales et l'Extrême-Orient et la suite de la conquête des nouveaux mondes, avec la concurrence franco-portugaise au Brésil et l'implantation française en Guyane. Sans oublier la saga de la recherche du passage du Nord-Ouest et la découverte du Canada par Jacques Cartier. S'élabore alors une nouvelle vision du monde et son lot d'interrogations : quelle était cette Amérique dont les Saintes Écritures ne disaient mot ? Anglais, Français et Hollandais, se retrouvèrent ensuite en grande rivalité de l'autre côté de l'Atlantique.
Les Hollandais conquérants des mers aborde l'hégémonie Hollandaise sur la presque totalité des mers au XVIIe siècle. La très puissante VOC devint rapidement un État dans l'État et inaugura aux Indes une nouvelle politique coloniale, échangeant jusqu'à la Chine et au Japon. Les voyages de découvertes hollandais les amenèrent finalement jusqu'à la découverte de l'Australie. Mais leurs succès furent de moindre envergure du côté de l'Amérique.
Les grands voyages scientifiques : au XVIIIe siècle, les « Lumières » investissent le monde de la mer. Les équipages des grands voyages comportent désormais des astronomes, des physiciens, des naturalistes, des peintres, des dessinateurs... dont la collecte d'informations stimule une intense activité éditoriale. L'invention du chronomètre de marine permet une meilleure estimation des longitudes, pendant que les Compagnies des Indes, l'anglaise comme la française, constituent, sur le modèle de leurs prédécesseurs hollandais, des bureaux hydrographiques efficaces à rendre jaloux les services officiels. Les voyages de Bougainville, Cook et La Pérouse dans le Pacifique tentent, pour leur part, de percer le secret de la terre australe. Peu à peu les derniers mythes cartographiques sont dissipés, laissant la place pour la création de nouveaux.
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