À Paris, à Anvers et à Bâle, on distribua également d'autres éditions vendues dans toute l'Europe. Ce n'était encore qu'une modeste brochure de quatre pages, mais un poète romain se chargea, dès juin 1493, de la transformer en un texte en italien de plus de cinq cents vers. La lettre de Colomb, en même temps qu'elle acquit une très large audience, prit ainsi place aussitôt parmi les grandes œuvres de la littérature épique.
Les terres découvertes étaient naturellement encore considérées comme asiatiques. Aux prix d'acrobaties intellectuelles, Colomb s'était efforcé de faire coïncider la topographie des Antilles avec la description de
Marco Polo de la Chine et du Japon. Comme pour renforcer sa certitude mal établie, il avait fait jurer par ses marins, devant le notaire du bord, que la côte de Cuba – encore incomplètement reconnue – était bien celle du continent recherché. Dans un certain nombre de cartes établies en Espagne et en Italie, cette affirmation continuera d'être présentée pendant une vingtaine d'années. Les nouvelles terres garderont encore plus longtemps le nom d'Indes occidentales, et les Indiens, ainsi nommés par Colomb, ne seront jamais débaptisés.
Très vite, cependant, cette conception se trouva battue en brèche. Dans une carte de 1500, conservée au Musée naval de Madrid, le pilote Juan de la Cosa, qui avait accompagné Colomb lors de ses deux premiers voyages, puis était retourné sur les lieux dans d'autres circonstances, décrit Cuba comme une île et abandonne toute référence à Marco Polo. Il place cependant sa carte sous l'invocation de saint Christophe dont l'effigie, allusion non voilée au navigateur, recouvre la partie centrale du nouveau continent. Si la postérité l'avait suivi, l'Amérique se serait peut-être appelée « Christophine » ou « Christophorine ». Par un curieux concours de circonstances, elle devait recevoir un autre nom.
Amerigo Vespucci