En 1487, en même temps qu'ils envoyaient deux expéditions vers les Indes, l'une terrestre à travers le Proche-Orient, l'autre maritime vers l'ouest à partir des Açores – direction qui sera celle de Colomb – Jean II et ses conseillers organisaient aussi le départ de Bartolomeu Dias, chargé de contourner l'Afrique. La perte du journal du navigateur et de la carte qu'il avait tracée à son retour nous font cruellement défaut pour revivre cet événement. L'expédition, méthodiquement préparée, comprenait deux caravelles ainsi que, pour la première fois dans une telle aventure, un vaisseau de conserve, porteur de ravitaillement et donc garant d'une plus grande autonomie. Dias emmenait avec lui six Africains bien nourris et vêtus à l'européenne, destinés à être déposés en divers points de la côte avec des échantillons d'or, d'argent, d'épices, d'ivoire et d'autres produits africains, afin de faire comprendre aux indigènes, à la manière du « commerce muet », quelles étaient les marchandises recherchées par les Portugais.
Mais à peine eurent-ils débarqué le dernier Africain que les vaisseaux de Dias furent pris dans la tempête. Déroutés, ils perdirent la côte de vue pendant treize jours, restant heureusement toujours cap à l'est. L'ouragan passé, la température fraîchit terriblement tandis que la houle grossissante annonçait un océan nouveau. La tempête providentielle leur avait en réalité permis de franchir le sud de l'Afrique sans s'en apercevoir. Dias vira de bord vers le nord, et jeta l'ancre, le 3 février 1488, à quelque 370 kilomètres de l'actuelle ville du Cap où il dressa un padrão. Il remonta ensuite dans la direction du nord-est, longeant la côte sur 500 kilomètres mais c'est alors que ses hommes prirent peur. Ils allaient manifestement atteindre les eaux où croisaient les navires arabes et toutes les angoisses liées à ces navigateurs inconnus resurgissaient. Dias se résigna à rebrousser chemin. Sur la route du retour, il retrouva sa conserve laissée neuf mois plus tôt avec neuf hommes à bord. Trois seulement étaient encore en vie et l'un d'eux mourut brusquement de joie lorsqu'il les vit. Après avoir franchi difficilement en sens inverse le cap qu'il nomma « des Tempêtes », il rentra au Portugal en décembre 1488. Dans le port de Lisbonne, un jeune inconnu se montra fort désappointé. Il avait nom Christophe Colomb et le succès de l'expédition ôtait beaucoup d'intérêt à son projet d'atteindre les Indes par une autre voie.