Plusieurs chercheurs ont souligné la filiation possible qui existerait entre les recueils d'instructions nautiques, guides pratiques à l'usage des navigateurs, et les cartes marines qui ne seraient que leur transposition en images. L'historien se trouve ici quelque peu démuni, car aucun recueil médiéval d'instructions nautiques antérieur au milieu du XIII
e siècle n'a été conservé. Le plus ancien exemplaire est un manuscrit italien détenu à Berlin qui a pour titre
II Compasso di navigare. Il ne serait que de trente années plus vieux que la première carte marine connue, la fameuse «
carte pisane ». Bien qu'il y ait de nombreuses concordances entre ces deux documents, cette preuve reste trop mince pour nous faire conclure à l'antériorité des recueils de ce type sur la carte marine. Un chercheur britannique a récemment démontré que 30 % des noms de la carte pisane sont absents du
Compasso. Ce dernier est en outre rédigé dans un italien plus pur que la carte. Sans nier les liens étroits qui existent entre les deux documents, il faut imaginer d'autres hypothèses. Peut-être sont-ils tous deux apparus en même temps, s'enrichissant mutuellement ? Peut-être dérivent-ils d'un prototype commun aujourd'hui perdu ?
Huit ou neuf siècles s'écoulèrent donc sans que la science nautique laissât de traces écrites. L'Occident se trouvait alors déchiré par les invasions barbares. Les échanges commerciaux ne cessèrent pas pour autant. En Méditerranée, continuaient d'arriver les produits d'Orient, notamment à Marseille et à Arles, qualifiées au VIII
e siècle de « portes de l'Orient ». En Europe du Nord, les Scandinaves faisaient la preuve de leurs exceptionnels talents de navigateurs.