La sphère en terres d’Islam
Globes et astrolabes islamiques illustrent la richesse et la sophistication de la culture scientifique qui s’est développée en terres d’Islam entre les VIIIe et XVe siècles. Ils éclairent aussi une époque où les savants musulmans étaient à la pointe de la recherche astronomique, développant une science authentiquement musulmane qui a concilié avec succès la recherche rationnelle et la foi. Au-delà de la géographie, de l’histoire et de la religion, ces objets révèlent les liens intellectuels entre l’Antiquité, l’Islam médiéval et la modernité occidentale, chaque culture étant redevable de celle qui l’a précédé.
L’astronomie, une science reine
en pays d’Islam
Fabriqués à partir du IXe siècle, les globes célestes islamiques sont le reflet de connaissances mathématiques et astronomiques héritées de diverses traditions antiques : perses, indiennes et surtout hellénistiques. Après la chute de l’Empire romain d’Occident (en 476), la science gréco-romaine fut préservée dans l’Empire byzantin. Grâce au vif intérêt des califes abbassides pour les sciences et la médiation de traducteurs syriaques, ce savoir antique fut transmis dès le VIIIe siècle au monde arabo-musulman, où il fut rapidement assimilé, renouvelé et perfectionné par des savants venus de tous horizons, échangeant leurs connaissances en langue arabe, le nouveau véhicule du savoir.
Le globe céleste comme l’astrolabe, représentation du ciel en deux dimensions, furent parmi les instruments scientifiques les plus répandus dans le monde islamique, de l’Andalousie musulmane à l’Inde moghole. Ils étaient très appréciés des princes et des souverains pour leur valeur artistique et symbolique. Leur importance dans la science islamique est corrélée à deux causes principales : l’observance des règles de l’Islam et la détermination des influences astrales.
La connaissance des mouvements du ciel était nécessaire au respect des prescriptions religieuses, permettant la régulation du calendrier lunaire, la détermination des cinq temps de la prière ou l’orientation du croyant en direction de La Mecque (qibla).
Globes célestes et connaissance
de la sphère des étoiles
Seule une dizaine de globes islamiques sont antérieurs au 15e siècle et montrent les quelque mille étoiles et 48 constellations décrites dans l’Almageste de Ptolémée. Les plus anciens conservés ont été fabriqués au XIe siècle en Andalousie, dans l’Occident musulman. Munis d’un méridien et d’un horizon, ils permettaient de nombreux
calculs : longueur des jours, levers et couchers stellaires, détermination des heures.
S’appuyant sur le catalogue d’étoiles de Claude Ptolémée mis à jour pour tenir compte de la précession des équinoxes, les globes célestes islamiques reproduisent généralement les modèles de constellations dessinées dans le Livre des étoiles fixes du Persan Abd al-Rahman al-Sufi vers 964. Les étoiles y sont présentées telles qu’on les voit dans le ciel et telles qu’elles sont figurées sur un globe. Ce traité constitue l’un des grands textes de l’astronomie arabe, dont l’influence s’étendit à l’Occident à partir du XIe siècle, tout comme d’autres textes scientifiques arabes traduits alors en latin.
L’astrolabe, la sphère des étoiles
en deux dimensions
L’astrolabe vise avant tout à représenter le mouvement journalier du ciel (astres et étoiles), par projection sur une surface plane, et à déterminer l’heure, de jour comme de nuit. Il comporte cinq parties essentielles : la mère, les tympans, l’araignée, le dos et l’alidade. Permettant d’établir un horoscope et donc de prédire les destinées des hommes, c’est l’instrument emblématique de l’astrologue. La fabrication et l’usage des astrolabes firent l’objet de nombreux traités en terres d’Islam.
Interpréter les influences astrales
Comme dans les mondes antiques, les savoirs astronomiques servirent aussi à la détermination des influences astrales sur la Terre, ses peuples et ses princes, en raison de cette relation étroite que les savants établiront fort longtemps entre le macrocosme formé par l’univers et le microcosme constitué par l’homme.
Cet usage astrologique explique le soutien constant que de nombreux califes, émirs et sultans accordèrent à ce domaine du savoir. Malgré la condamnation des théologiens de l’Islam, la figure du sage astrologue est représentée dès le XIe siècle dans les « miroirs au prince », ce dernier ayant souvent recours à ses conseils dans la conduite des affaires et de la guerre. Textes, miniatures et objets se font l’écho de cette pratique astrologique considérée comme indispensable au bon gouvernement.