Sphères en révolutions
À l’époque moderne, des savants tels que Copernic, Kepler ou Newton portent des coups successifs à la cosmologie ptoléméenne et à son univers clos et immuable de sphères imbriquées. Les lunettes astronomiques et les télescopes apportent sans cesse des données inédites. Dans un va-et-vient entre théorie et observation, des horizons nouveaux s’ouvrent à la science. La question de la pluralité des mondes est posée tandis que de nouveaux fondements théoriques de l’univers se mettent en place.
La révolution copernicienne
En 1543, Nicolas Copernic (1473-1543) place le Soleil au centre des sphères concentriques. Cette hypothèse spéculative ne modifie en rien les calculs astronomiques élémentaires, maintient l’idée d’un univers fini ceint par une sphère d’étoiles fixes et ne remet pas en cause les autres dogmes fondamentaux hérités de la science antique et médiévale, mais elle détrône la Terre de sa place centrale. Un demi-siècle plus tard, Tycho Brahé propose un système alternatif qui fait rend à la Terre cette place et son immobilité, en faisant tourner autour d’elle la Lune et le Soleil, et autour du Soleil toutes les autres planètes. En 1616, l’église condamne le système de Copernic et sans rejeter officiellement Ptolémée, préfère le système de Tycho Brahé, plus compatible avec la science moderne. Il faut attendre le début du XVIIIe siècle pour que l’hypothèse de Copernic prévale et que les premières sphères armillaires héliocentriques soient réalisées. À la suite de Copernic, les savants remettent en question la cosmologie classique tandis que se précise la géographie de la Terre.
Si la validité de l’héliocentrisme de Copernic, c’est-à-dire l’hypothèse de la rotation de la Terre autour du Soleil, est prouvé tardivement (Bradley, 1729 : aberration de la lumière), ce sont les lois de Johannes Kepler (1609 et 1618) et d’Isaac Newton (1687) qui apportent les plus grands bouleversements. La gravitation universelle, les orbites en ellipses, les comètes périodiques telle que celle de Halley, la découverte de nouvelles planètes et satellites, les étoiles désormais innombrables, l’hypothèse de mondes pluriels en mouvement, vont à l’encontre des dogmes établis. Le monde en sphères vacille sur ses fondements théoriques, mais la production de globes continue de se développer car la représentation sphérique du ciel et de la Terre conserve une utilité didactique autant que symbolique.
Les sphères armillaires
Les sphères armillaires proposent une modélisation de la mécanique de l’univers. Ces appareils à engrenages articulent, autour d’une tige centrale, un jeu de cercles ou « armilles » concentriques portant chacune une planète et tournant autour de la Terre, selon Ptolémée, ou autour du Soleil, selon Copernic. Les sphères armillaires rendent ainsi visible la structure imaginaire que l’on pose sur le ciel pour le rendre compréhensible.
Les premières sphères héliocentrées qui apparaissent vers 1700 cohabitent avec les sphères géocentrées, les deux modèles copernicien et ptoméléen étant souvent montrés par paire. Outre leur utilité didactique et esthétique, les sphères armillaires étaient remarquables par les automatismes qui les mettaient spectaculairement en mouvement : c’est ce qui en faisait des objets de prestige particulièrement fascinants.
La pluralité des mondes
En 1644, le philosophe René Descartes (1596-1650) suppose que l’univers serait constitué d’une multitude de systèmes coperniciens de sphères imbriquées dont chaque étoile serait le centre : notre système solaire ne serait que l’un de ces systèmes de « tourbillons » en mouvement mécanique. En 1686, l’écrivain Bernard Le Bouyer de Fontenelle décrit l’univers comme « un amas de grands ballons, de grands ressorts bandés les uns contre les autres, qui s’enflent et se désenflent », comprenant chacun plusieurs astres potentiellement habités.
La possibilité d’autres mondes habités agite les esprits des savants : de Gassendi à Flammarion et jusqu’à nos jours, cette question de la pluralité des mondes reste ouverte.
La forme de la Terre
En 1687, le physicien Isaac Newton suggère que la Terre est une sphère imparfaite, aplatie par la force centrifuge. S’ensuit une querelle entre l’Observatoire de Paris, qui tient d’après les Cassini planète est allongée aux pôles, et l’Observatoire de Greenwich, tenant de l’aplatissement. Dans les années 1735-1744, par des mesures comparatives de la courbure de la Terre, les expéditions géodésiques de Maupertuis en Laponie et de La Condamine au Pérou apportent la preuve de l’aplatissement aux pôles.
Plus près des étoiles
Après le XVIe siècle, la présence d’explorateurs et de savants européens sur tous les continents permet l’observation de toutes les parties du ciel : le globe céleste s’enrichit vers 1600 de constellations nouvelles inspirées d’animaux exotiques tel l’Oiseau de paradis ou le Toucan, puis vers 1750, d’instruments tels que le Microscope et la Machine pneumatique. L’amélioration des performances des télescopes révèle des dizaines de milliers d’étoiles, débordant les contours des figures des constellations.
Grâce aux progrès des lunettes astronomiques à partir de Galilée (Sidereus Nuntius, 1610), l’observation de la Lune devient une véritable discipline scientifique, la sélénographie, comprenant la cartographie du relief réparti en terres et en mers ou en cratères, et l’étude de ses librations, mouvements asynchrones par rapport à la Terre. Si sa cartographie est en grande partie due à Huygens et à Cassini, sa nomenclature est définie par le jésuite Giovanni Riccioli (1651). C’est toutefois Vénus qui est le premier astre représenté sous la forme d’un globe, par Francesco Bianchini (1727), dont la cartographie est aujourd’hui complètement obsolète. Ce n’est cependant qu’à partir de la fin du XIXe siècle que commenceront à se répandre les globes de la Lune et de Mars.