La sphère dans l’Occident médiéval
Suite à l’effondrement de l’Empire romain, la science antique fut en partie perdue en Europe occidentale entre le Ve et le Xe siècle. Grâce aux traductions arabo-latines issues principalement des grands centres intellectuels de l’Espagne musulmane (Cordoue, Tolède), l’Occident redécouvre à partir du XIe siècle de nombreux textes antiques (Aristote, Euclide, Ptolémée) et accède aux penseurs du monde islamique. Cet apport intellectuel amorce une véritable renaissance scientifique, donnant lieu à de nouvelles synthèses qui adaptent les conceptions antiques aux dogmes chrétiens.
L’astronomie occidentale,
héritière de deux traditions
En astronomie, les traductions latines du poème Les Phénomènes d’Aratos de Soles constituent la source des premières cartes célestes produites en Europe comme sans doute celle des globes conçus par Gerbert d’Aurillac autour de l’an mil.
Les traductions arabo-latines de l’Almageste de Ptolémée et du Livre des étoiles fixes d’al-Sufi renouvelèrent cependant profondément les connaissances occidentales sur le monde. C’est l’association de ces deux traditions – gréco-romaine et arabo-ptoléméenne – qui permit au XVe siècle l’émergence en Occident d’une cartographie céleste originale.
Une Terre ronde au centre des sphères
de l’Univers
Quoique contestée par quelques auteurs chrétiens au haut Moyen Âge, la rotondité de la Terre, placée au centre des sphères de l’Univers, est très tôt admise par la majorité des clercs. Avec la renaissance scientifique du XIIe siècle, de nouveaux traités comme le Liber floridus de Lambert de Saint-Omer ou le Dragmaticon Philosophiae de Guillaume de Conches en affirment le principe.
Les premiers textes didactiques en latin (De sphaera mundi de Sacrobosco) ou en langue vulgaire (L’Image du monde de Gossuin de Metz) apparaissent dès le XIIIe siècle. Au XVe siècle, la traduction latine de la Géographie de Ptolémée et les premiers voyages d’exploration portugais et espagnols donnent une nouvelle impulsion à l’hypothèse sphérique et conduisent à la réalisation des premiers globes terrestres.
Un monde en sphères
sous le sceau du Dieu créateur
Les conceptions antiques sont cependant réinterprétées selon les dogmes chrétiens : le Démiurge devient le Dieu créateur de toutes choses qui gouverne l’ensemble de la « machine du monde » conçue, à l’instar d’Aristote ou de Ptolémée, comme un ensemble de sphères emboîtées les unes dans les autres et centrées sur une Terre ronde et immobile. Les extrémités du monde se distinguent néanmoins du schéma antique : formée des quatre éléments (terre, eau, air et feu), la Terre renferme en son centre l’enfer souvent figuré par un monstre dévorant les damnés ; à l’autre bout, le monde est clos non par la sphère des étoiles fixes ou celle du « premier moteur » d’Aristote, mais par l’empyrée, séjour du Créateur, des anges et des bienheureux. Une abondante iconographie médiévale illustre cette conception chrétienne du monde.
Le globe dans la symbolique chrétienne
Un autre héritage antique, emprunté à la symbolique impériale romaine, fit florès dans l’enluminure médiévale : le globe comme insigne de la majesté divine, incarné par la figure de Dieu le Père ou de son fils le Christ, représentés tantôt le globe en main, tantôt assis ou debout sur la sphère du monde. Assimilé au Démiurge antique, le Dieu de la religion chrétienne est aussi figuré dans de nombreux manuscrits comme un architecte ou un géomètre, le compas à la main.
Dans l’Occident chrétien comme dans l’Antiquité et jusqu’à la Renaissance, déterminer les influences astrales sur la Terre reste l’un des objectifs de la connaissance sur le monde, astronomie et astrologie étant étroitement liées.