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La garde-robe du comédien

 
Le costume est aussi un incomparable partenaire de l’acteur comme de tout personnage en représentation. Tous les monarques l’ont compris, Louis XIV, le roi-spectacle, en donnant tout au long de son règne une magistrale démonstration. Les premières tragédies sont jouées en habits de cour, dont certains sont des cadeaux des admirateurs fortunés aux acteurs et surtout aux belles actrices. Dans les années 1660, l’adoption du costume tragique "à la romaine" est mis à la mode par les carrousels organisés pour divertir la noblesse, comme celui de 1662 où paraît le roi. L’écho de la figure iconique du grand monarque, associant l’apparence de l’imperator romain à la coiffure à grande perruque, apparaît sur le portrait de Molière par Mignard, représenté en César dans La Mort de Pompée de Corneille.
 
Selon des usages perdurant jusqu’à la fin du XIXe siècle, les acteurs fournissent leur garde-robe, sauf lorsqu’ils se produisent à la cour où leur sont prêtés de beaux habits, trop beaux parfois, faisant réagir tel comédien-français, ne trouvant aucune vraisemblance entre son personnage et le costume de satin, proposé davantage en fonction de sa propre notoriété que de l’identité du rôle. C’est cette habitude d’afficher en scène ses ressources ou sa position qui conduit acteurs et actrices à jouer avec leurs bijoux, invraisemblance admise par l’usage au XVIIIe siècle. Les séries de gouaches de Fesh et Whirsker, qui diffusent en Europe les costumes et gestes scéniques, montrent des actrices dans l’emploi d’ingénue, gantées pour des raisons de décence, aberration relevée bientôt par la critique des Lumières. Des traditions, progressivement installées, provoquent des réactions vives chez les nouveaux penseurs qui stigmatisent ces ridicules. Parallèlement, les acteurs, souvent influencés ou guidés par cette réflexion nouvelle, réagissent à leur tour. Successivement, sous l’influence de Voltaire, Diderot ou Marmontel, Adrienne Lecouvreur, Mlle Clairon et Lekain rejettent les excès de ces habitudes.
L'antiquomanie, née du succès et de la vulgarisation des campagnes de fouilles archéologiques propagées par les ouvrages de Winkelmann, met au goût du jour le retour à l'antique. Cette mode, qui accompagnera la chute de l'Ancien Régime, marque intensément l'habillement des acteurs et même la façon de concevoir les vêtements officiels, tâche confiée à David, et de vêtir théâtralement les représentants du peuple, les sénateurs, les directeurs, créés par les différents régimes politiques issus de la Révolution française. Talma accomplit la réforme amorcée par Lekain et remplace les pompeux costumes tragiques par des toges et des tuniques imitées de l’Antiquité. Ce qu’on a appelé la "vérité du costume" aboutit à la remise en cause de la façon de vêtir les héros gréco-latins de la mythologie et de l’histoire. L’abondante littérature née de la réforme théâtrale du XVIIIe siècle a fondé une mode vestimentaire, mais aussi architecturale. Les livraisons du nouvelliste Levacher de Charnois l’attestent. Si la campagne d’Égypte favorise des influences réciproques entre mode et costumes de théâtre, les grands succès théâtraux, quant à eux, créent littéralement la mode. Après les illustres exemples des pièces de Beaumarchais – justes à la Suzanne, casaques à la Figaro, poufs à la Comtesse – colportés par les revues de mode et les galeries théâtrales, le succès de la robe jaune de Mlle Mars dans Hernani met en 1830 cette couleur à la mode. Si Talma avait déjà imposé sa coiffure à la Titus aux cheveux coupés court, en plein XIXe siècle, un autre comédien célèbre, grand séducteur, voit copier sa frange à la Bressant. La notoriété des acteurs et leurs costumes sont véhiculés par de nombreuses "galeries théâtrales", dont la Petite Galerie dramatique d’Hautecœur et Martinet qui répand en Europe ses feuilles représentant les plus illustres rôles et interprètes du répertoire dramatique et lyrique, mais aussi du théâtre forain. On y reconnaît par exemple la tragédienne Mlle George dans Athalie de Racine, portant un costume très inspiré de la mode Empire, avec un manteau de cour qui n’aurait pas déparé la toilette d’apparat de l’impératrice Joséphine.
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