
 
      "La géographie humaine est une des branches
        qui ont récemment poussé sur le vieux tronc de la géographie.
        S'il ne s'agissait que d'une épithète, rien ne serait moins
        nouveau. L'élément humain fait essentiellement partie de
        toute géographie ; l'homme s'intéresse surtout à  son
        semblable, et, dès qu'a commencé l'ère des pérégrinations
        et des voyages, c'est le spectacle des diversités sociales associé à la
        diversité des lieux qui a piqué son attention. Ce qu'Ulysse
        a retenu de ses voyages, c'est "la connaissance des cités
        et des mœurs de beaucoup d'hommes". Pour la plupart des auteurs
        anciens auxquels la géographie fait remonter ses titres d'origine,
        l'idée de contrée est inséparable de celle de ses
        habitants ; l'exotisme ne se traduit pas moins par les moyens de nourriture
        et l'aspect physique des hommes, que par les montagnes, les déserts,
        les fleuves qui forment leur entourage. La géographie humaine
        ne s'oppose donc pas à une géographie d'où l'élément
        humain serait exclu ; il n'en a existé de telle que dans l'esprit
        de quelques spécialistes exclusifs. Mais elle apporte une conception
        nouvelle des rapports entre la terre et l'homme, conception suggérée
        par une connaissance plus synthétique des lois physiques qui régissent
        notre sphère et des relations entre les êtres vivants qui
        la peuplent.   (…) l'idée qui plane sur tous les progrès
        de la géographie est celle de l'unité terrestre. La conception
        de la terre comme un tout dont les parties sont coordonnées, où les
        phénomènes s'enchaînent et obéissent à des
        lois générales dont dérivent les cas particuliers
        (…) En somme, ce qui se dégage nettement de ces recherches,
        c'est une idée essentiellement géographique : celle d'un
        milieu composite, doué d'une puissance capable de grouper et de
        maintenir ensemble des êtres hétérogènes en
        cohabitation et corrélation réciproque. Cette notion paraît être
        la loi même qui régit la géographie des  êtres
      vivants." 
      Paul Vidal de la Blache,
      Principes de géographie humaine, 1921