La photographie, document positif d’une géographie réaliste
La technique de la photographie se substitue au travail complexe et
aléatoire que constituaient les "études d’après
nature". Alors que la réalisation de cette documentation
mobilisait
in situ des techniciens-artistes à la productivité réduite,
la machine photographique, malgré ses contraintes de poids,
de temps de pose et de manipulations longues et diverses, constitue
un "progrès". Celui-ci est accueilli comme tel
par Arago, qui perçoit d’abord son utilité documentaire
et scientifique : « Quel enrichissement l’archéologie
allait recevoir de la technique nouvelle ! Pour copier les millions
et les millions d’hiéroglyphes qui couvrent à l’extérieur
les grands monuments de Thèbes, de Memphis et de Karnak, il
faudrait des vingtaines d’années et des légions
de dessinateurs. Avec le daguerréotype un seul homme pourrait
mener à bonne fin cet immense travail. » En ce sens,
la combinaison maîtrisée de l’optique et de la chimie
fait entrer l’image dans l’âge industriel. Au savoir-faire
manuel succèdent des protocoles d’emploi, des règles
normalisées, qui garantissent une image exacte de la réalité.
La photographie permet la saisie, la reproduction, la duplication de
la physionomie du monde, des œuvres de la nature, des sociétés
et des hommes eux-mêmes. Ce qui est visible pour le voyageur, ce
qu’il considère comme la réalité du lieu visité,
est enregistrable instantanément, transférable matériellement
dans un autre lieu, où l’image-document témoignera
d’un état situé du réel. La géographie
peut ainsi disposer d’une chaîne de collecte et d’archivage
documentaire, d’une ébauche de système d’information à caractère
iconographique.