"Jacques Helloch, âgé de vingt-six ans, était
originaire de Brest. Après quelques missions remplies avec succès,
il avait été chargé par le ministre de l'Instruction
publique d'une expédition à travers les territoires de
l'Orénoque. Six semaines auparavant, il était arrivé au
delta du fleuve.
On considérait à juste titre ce jeune homme comme un explorateur
de grand mérite, alliant le courage à la prudence, ayant
déjà donné maintes preuves de son endurance et
de son énergie. Ses cheveux noirs, ses yeux ardents, son teint
animé par un sang généreux, sa taille au-dessus
de la moyenne, sa constitution, vigoureuse, l'élégance
naturelle de sa personne disposaient en sa faveur. Il possédait
cette physionomie à la fois sérieuse et souriante qui inspire
ta sympathie dès le premier abord. Il plaisait sans cherche à plaire,
naturellement, simplement étranger à toute pose comme à toute
préoccupation de se faire valoir.
[…] Germain Paterne, non moins résolu que son ancien camarade
de collège, mais d'un caractère très différent,
allait où Jacques Helloch le conduisait, et ne présentait
jamais aucune objection. Il était passionné pour l'histoire
naturelle et plus particulièrement pour la botanique, et non moins
pour la photographie. Il eût photographié sous la mitraille,
et n'aurait pas plus "bougé" que son objectif. S'il n'était
pas beau, il n'était pas laid, et peut-on l'être avec une
physionomie intelligente, lorsqu'on possède une inaltérable
bonne humeur ? Un peu moins grand que son ami, il jouissait d'une santé de
fer, d'une constitution à toute épreuve, un marcheur insensible à la
fatigue, doué d'un de ces estomacs qui digèrent des cailloux
et ne se plaignent pas quand le dîner est sommaire ou se fait attendre."
Jules Verne, Le Superbe Orénoque,
chapitre IX, Paris, Hetzel, 1894.