"C'est au moment où nous nous y attendions le moins qu'un
beau matin, nous fûmes encerclés par un groupe impressionnant… Ils étaient
sept. Affublés de spectaculaires masques zoomorphes, ils surplombaient
de cinq pieds le plus grand de nos Highlanders. Celui qui semblait être
leur chef se mit à exécuter une sorte de danse de bienvenue à laquelle
le sergent-major O'Hara répondit en actionnant sa cornemuse avec
entrain. Brave garçon ! C'était je crois ce qu'il fallait
faire. En effet, les sept gaillards, visiblement ivres de joie à l'écoute
de nos bons vieux airs
écossais, se tapèrent sur les oreilles
avec leurs mains (signe archaïque évident de remerciement).
Puis, ils détalèrent en hurlant. Comprenant qu'il s'agissait
d'une invite à les suivre, nous les accompagnâmes jusqu'au
rivage où, pour prolonger cette ambiance bon enfant, nous tirâmes
quelques coups de mousquet.
[… je compte…] inaugurer le musée Lovingstone qui
regroupera tous les trésors de l'art girafawa collationnés
par nos soins ! […] Le clou du musée est la 'salle des
têtes' où nous avons réussi à amener une grande
tête dressée ainsi que deux immenses girafes empaillées,
déterrées dans ce qui me semblait être une nécropole
plus ou moins sacrée.
Je crois me rappeler que cette extraction ne se passa sans quelques incidents
bénins, mais l'Art dépasse ces basses considérations
d'ordre ménager !"
Albert Lemant, Lettres des Isles Girafines,
Paris, Seuil Jeunesse, 2003, extraits des lettres du 19 août 1912
et du 11 avril 1915.