"On peut suivre, pour étudier une race, deux voies, deux
procédés qui ont l'un et l'autre leurs avantages, mais
qui sont inégalement sûrs. Le premier procédé,
qui est généralement suivi, consiste à examiner
attentivement un grand nombre de personnes, à saisir ce qu'il
y a de commun entre elles, à faire abstraction des variations
individuelles, à grouper en un type idéal les traits et
les caractères qui, pris un à un, prédominent manifestement
dans la grande majorité, et à considérer comme les
vrais représentants de la race les individus qui se rapprochent
le plus de ce type idéal.
[…] Le second procédé consiste à étudier
les individus un à un, à examiner successivement chacun
d'eux, à le décrire complètement et en détail, à le
mesurer d'une manière rigoureuse dans toutes ses parties ; en
un mot à recueillir des observations anthropologiques comme
les médecins sont habitués à recueillir des observations
pathologiques.
[…] On ne saurait trop inviter MM. Les voyageurs à prendre
le plus grand nombre possible d'observations anthropologiques individuelles
; mais, en leur recommandant d'appliquer cette méthode analytique,
nous sommes loin de leur conseiller de s'y retreindre ; ils devront, au
contraire, toujours faire des observations générales sur
les races qu'ils auront besoin d'examiner, car les deux méthodes,
loin de s'exclure, doivent marcher de front ; ils ne tarderont d'ailleurs
pas à reconnaître eux-mêmes que l'étude détaillée
des individus développe rapidement cette sagacité comparative,
cette sûreté de jugement qui permet de déterminer au
premier coup d'œil les caractères communs à tout un
peuple et les traits distinctifs d'une race.
Paul Broca, Instruction générales
pour les recherches anthropologiques à faire sur le vivant,
Paris, G. Masson, 1879, p. 26-27.
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