Le dossier
Boris Vian

La chanson

Par Anne Mary

A la fois parolier, interprète, directeur artistique, Boris Vian est aussi passé à la postérité à travers la chanson. Du Déserteur à La Java des bombes atomiques, en passant par Faut rigoler ou Le Blouse du dentiste, la variété de son répertoire est impressionnante.

Le métier de parolier

Boris Vian, qui s’était amusé à écrire quelques chansons avec des amis à l’époque de Saint-Germain-des-Prés, s’y remet de façon professionnelle à partir de 1950. Il passe l’examen d’auteur-compositeur de la SACEM en 1951. 

En 1954, après l’échec de son roman L’Arrache-cœur, il se décourage et, renonçant à une carrière littéraire, accorde à la chanson une place plus importante. Il rencontre des compositeurs avec lesquels il entreprend une collaboration suivie et féconde. Tout d’abord, Renée Lebas lui présente en juin son pianiste, Jimmy Walter. De leur travail commun naissent des chansons qui vont passer à la postérité, parmi lesquelles J’suis snob, On n’est pas là pour se faire engueuler, Les Joyeux Bouchers. Ils composent également quelques chansons pour Renée Lebas, dans un registre plus sentimental : Ne te retourne pas, Moi mon Paris. À la fin de la même année, Vian rencontre Alain Goraguer, qui devient à la fois un ami et son pianiste. Ils écrivent ensemble la Complainte du progrès, Je bois, La Java des bombes atomiques, morceaux tous enregistrés par Vian lui-même et promis à un grand succès. Vian fait enregistrer à Alain Goraguer un disque de jazz en 1956 sous le titre Go-go-Goraguer. Il écrit au dos de la pochette : « On appréciera en outre une grande originalité, dans les introductions notamment, une “dynamique” très étendue et une virtuosité qui se manifeste non pour elle-même mais toujours au service d’une interprétation d’ensemble de chaque thème.» 

L’amitié entre Boris Vian et Henri Salvador donne naissance à des chansons de styles très différents : chansons humoristiques (Blouse du dentiste, Faut rigoler, Java chauve…), rocks fantaisistes (Rock Hoquet), calypsos (Eh, Mama !, Oh ! si y avait pas ton père…, Y a rien d’aussi beau), chansons d’amour (T’es à peindre, Je me souviens de vous, C’était pour jouer, Place Blanche). Salvador, non seulement compositeur, mais aussi un des grands interprètes de Vian, a lui-même chanté une quarantaine de titres de son ami. Parmi ceux-ci, les fameux rocks comiques écrits par Vian tiennent une grande place. En 1956, Michel Legrand revient des États-Unis avec des disques de rock et les fait écouter à Boris Vian. Ensemble, ils décident de tourner en dérision ce nouveau rythme. En compagnie de Michel Legrand, d’Eddie Barclay, d’Henri Salvador, puis d’Alain Goraguer, Vian parodie cette nouvelle mode : Rock and roll mops (Boris Vian / Michel Legrand), Rock and roll sérénade (Boris Vian / Alain Goraguer), Rock des petits cailloux (Boris Vian / Alain Goraguer), Rock de monsieur Feller (Boris Vian / Eddie Barclay et Jacques Brienne). 

Enfin, Vian a effectué un certain nombre de traductions de succès américains, tel Fever (John Davenport et Eddie Cooley), qui devient sous sa plume 39° de fièvre, par exemple. Il adapte aussi des songs de Bertolt Brecht et Kurt Weill, extraits de L’Opéra de quat’sous, de Happy End (Bilbao Song) ou de Mahagonny

L’étendue du registre de Boris Vian est étonnante, entre chansons comiques (par exemple Pan pan pan poireaux pommes de terre, écrite pour montrer qu’il n’est pas un parolier intellectuel, comme on le lui reproche souvent) et textes « pro-civils », comme il aime à les qualifier, tels que Allons z’enfants, Le Politique, Le Prisonnier, À tous les enfants ou, le plus connu de tous, Le Déserteur. D’autres chansons, sans être aussi radicales dans la révolte, sont plus caustiques et corrosives : La Java des bombes atomiques fait la une du Canard enchaîné le 13 juin 1955, et elle est interdite sur les ondes nationales.





Boris Vian chante Boris Vian

Devant le faible succès rencontré par ses textes auprès des artistes de son temps, Boris Vian se désole et se voit proposer par Jacques Canetti de monter sur scène pour défendre lui-même ses chansons. Relevant le défi, il passe quelques mois aux Trois Baudets (du 4 janvier au 22 juillet 1955), puis effectue pendant l’été une tournée qui le mène dans les villes d’eaux en Auvergne, puis sur la côte au Touquet, à Dinard, et enfin en Belgique. Il reprend ensuite son tour de chant aux Trois Baudets du 20 septembre 1955 au 29 mars 1956. En parallèle, il est à l’affiche de la Fontaine des Quatre-Saisons, dirigée par Pierre Prévert, du 28 janvier au 15 juin 1955. 

La scène est pour lui une épreuve : il éprouve un trac immense, n’est pas à l’aise avec le public, et transmet sa gêne aux spectateurs. Ses textes sont dérangeants. Boris Vian sort épuisé de cette expérience. 

Boris Vian directeur artistique

En octobre 1955, Vian est chargé de dresser un catalogue « Jazz » chez Philips, puis il s’occupe de la collection de disques « Jazz pour tous ». À partir de janvier 1957, il est employé à plein temps chez Philips, en tant que directeur artistique adjoint pour les variétés. En mai 1958, il est nommé directeur artistique du label Fontana, filiale de Philips, où il est davantage libre de ses choix. Il en part en avril 1959 pour rejoindre la maison de son ami Eddie Barclay.  

 

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