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Les quatre rouges chrétiens

par Michel Pastoureau

 
Du point de vue symbolique, le rouge, comme toutes les autres couleurs, est ambivalent : il y a un bon et un mauvais rouge comme il y a un bon et un mauvais noir, un bon et un mauvais vert, etc. Toutefois, par rapport aux autres, le rouge présente la particularité d’avoir deux référents principaux : le feu et le sang. De ce fait, c’est autour de quatre pôles, et non de deux, que s’organise la force de cette couleur : un bon rouge feu, un mauvais rouge feu, un bon rouge sang, un mauvais rouge sang. Le christianisme a de bonne heure adopté cette distribution du rouge entre quatre pôles - distribution en partie héritée de la Bible - et en a fait un véritable système qui, en Europe, a peu à peu imprégné tous les aspects, même profanes, de la symbolique de la couleur rouge.
 
Pris en bonne part, le rouge feu est celui de la Pentecôte et de l’Esprit Saint. C’est à la fois une lumière et un souffle, puissant et chaleureux. Il brille, il anime, il purifie. Pris en mauvaise part, ce rouge est celui des flammes de l’enfer. C’est un rouge qui détruit et qui torture, qui ravage et qui supplicie. C’est aussi un rouge qui trahit et qui ment (il devient alors souvent roux), puisqu’il crée une lumière pire que les ténèbres, à l’image du feu infernal qui brûle sans éclairer. C’est enfin la couleur du Diable lui-même qui est rouge comme le feu et noir comme le monde souterrain. Son vêtement est fréquemment rouge, ou bien rouge et noir.
 
Pris en bonne part, le rouge sang est celui du Sauveur : c’est un rouge rédempteur et sanctificateur qui purifie et donne la vie. C’est lui qui est présent, sous l’espèce du vin, dans le sacrifice de la messe. Ce rouge est dense, vif, dynamique ; il jaillit, procure joie et santé et représente le pôle le plus éloigné du rouge infernal. À l’opposé, ce même rouge sang, pris en mauvaise part, n’est plus celui du Christ et de la rédemption mais celui de la colère et de la violence. Il est impur et lié à tous les crimes de sang, à toutes les formes de souillure et de transgression, à tous les tabous portant sur le sang. C’est le rouge à la fois des assassins et des criminels et celui des bourreaux (et même des juges), des bouchers, des prostituées et de tous ceux qui, à un titre ou à un autre, transgressent l’ordre social, moral ou religieux.
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