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Sartre
et le Parti communiste français
On peut distinguer trois périodes dans les relations
difficiles que Sartre entretient avec le Parti communiste français
: de 1941 à 1949, Sartre occupe une position ambivalente,
marquée par l'hostilité du PCF et par l'affaire
Nizan
; après l'échec du Rassemblement démocratique
révolutionnaire, en 1949, il devient un "compagnon de
route" et manifeste un soutien absolu et enthousiaste au parti
communiste ; en 1956 se produit la rupture.
Tandis que Sartre se rapproche du parti communiste, Merleau-Ponty
commence à s'en éloigner. En 1952, Sartre
publie dans leur revue l'article intitulé Les communistes
et la paix, qui est une apologie du PC. Puis il supprime
un chapeau critique à l'égard d'un article très
marxisant de Pierre Naville rédigé par Merleau-Ponty.
Claude Lefort, élève et ami de Merleau-Ponty,
réfute dans Les
Temps modernes les positions de Sartre, qui réplique
sans ménagement. Merleau-Ponty avertit Sartre de son
intention de publier sa propre position politique dans la revue.
Sartre refuse : c'est la rupture. L'enjeu de cette opposition
entre les deux philosophes réside dans leur conception
divergente de l'engagement et des rapports entre politique et
philosophie. Alors que Sartre juge qu'il faut réagir
sans délais aux événements, au détriment
parfois de la réflexion, Merleau-Ponty revendique la
prudence et une analyse philosophique de fond, au détriment
parfois de l'action.
Sartre rompra définitivement avec les communistes français
en 1956, après l'écrasement de l'insurrection
de Budapest, sans pourtant renoncer à ses convictions
socialistes ni à ses amitiés avec les communistes
d'autres pays, notamment polonais et italiens.
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Les
voyages en Italie
Pendant l'été 1933, Sartre, en compagnie de Simone
de Beauvoir, visite l'Espagne et l'Italie ; le régime
fasciste de Mussolini gêne peu ces deux parfaits touristes :
"Nous avons vu Venise avec ce regard qu'on ne retrouve plus
jamais : le premier. Pour la première fois nous avons
contemplé la Crucifixion du Tintoret".
En 1936 le cœur de la ville populaire de Naples fascine Sartre.
À la fin de l'été 1951, lors d'un voyage
en compagnie de Michelle
Vian, il retrouve dans cette "ville en putréfaction"
transformée par la guerre, les mêmes sentiments
d'attirance et de dégoût.
Il séjourne souvent à Venise pour voir les "Tintoret"
dans les années 50 ; il écrit, sur l'atmosphère
et les mythes de la ville, Venise de ma fenêtre.
Avec Un parterre de capucines, en 1952, c'est le baroque
romain qu'il interroge. À Naples, Capri, Rome et Venise,
il s'abandonne à l'écriture de pages destinées
à un ouvrage inachevé, La reine Albemarle ou
le dernier touriste, qui devait être "La Nausée
de son âge mûr", et dont les fragments épars
seront réunis dans un ouvrage posthume en 1991.
Il se lie d'amitié avec Renato Guttuso, un peintre réaliste
d'inspiration sociale qui fera les décors du film de
Vittorio De Sica, Les
Séquestrés d'Altona. Il fréquente
aussi les acteurs et metteurs en scène comme Suso Cecchi
d'Amico, Francesco Rossi, Vittorio Gassman, pour l'adaptation
du Kean
au cinéma en 1957. Il rencontre des intellectuels italiens,
pour qui ses textes d'engagement comptent beaucoup, en particulier
Togliatti, chef du parti communiste italien, Carlo Levi, Sciascia
et Moravia.
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La
guerre d'Algérie
L'engagement de Sartre contre le colonialisme est bien antérieur
à la guerre d'Algérie. Dès 1948 il prend
position en faveur des mouvements indépendantistes marocains
et tunisiens et surtout indochinois. Les événements
algériens vont cependant être l'occasion d'amplifier
et de radicaliser son opposition au système colonial.
À partir de 1956, Sartre multiplie les interventions
et les articles, notamment dans Les Temps modernes
qui seront saisis cinq fois , dénonçant,
aux côtés d'autres intellectuels, la violation
des droits de l'homme et la torture. Cette opposition vigoureuse
à la politique algérienne du gouvernement trouve
son point culminant lors du procès des réseaux
français de soutien au FLN en 1960. Sartre, qui se trouvait
alors au Brésil, fit parvenir une lettre, en réalité
écrite avec son accord, par l'équipe des Temps
modernes, dans laquelle il se déclarait "porteur
de valises" et affirmait son entière solidarité
avec les inculpés. Lue à la barre par le défenseur
du "réseau Jeanson", Roland Dumas, cette lettre provoqua
un véritable scandale et fit de Sartre la "bête
noire" des tenants de l'Algérie française : à
deux reprises, en 1961 et en 1962, son appartement fut plastiqué
par l'OAS. Sartre n'en continua pas moins son combat : il participa
à de nombreuses manifestations et témoigna à
des procès. Jusqu'à la fin des hostilités,
il ne cessa de lutter contre l'oppression coloniale et pour
l'indépendance de l'Algérie.
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L'ambassadeur
À partir de 1955, Sartre commence une longue série
de voyages semi-officiels qui vont l'amener à rencontrer
des intellectuels, des leaders politiques et des chefs d'Éat,
faisant de lui un véritable ambassadeur de la pensée
contestataire. Il est reçu en Chine, au Japon, à
Cuba, en Yougoslavie, en URSS, au Brésil, et au Portugal
au moment de la révolution des Oillets. Il est présenté
à Mao, rencontre Fidel Castro et Che Guevara, Khrouchtchev,
Tito, Nasser. À chaque voyage il donne des conférences
de presse, des interviews à la télévision
et à la radio. En 1967, il devient ambassadeur de la
paix en se rendant en Égypte et en Israël afin d'ouvrir
un dialogue entre les intellectuels israéliens et égyptiens.
Au cours de multiples conférences, il défend le
droit au retour des Palestiniens et le droit d'Israël à
exister en tant que nation. Tout au long de sa vie Sartre a
milité pour la paix au Proche-Orient. Il ressentait le
conflit israélo-arabe comme un "drame personnel". Dans
la préface du numéro des Temps modernes
consacré à cette question en 1967 il déclare
: "Nous conjurons les uns et les autres de ne plus faire couler
le sang". Il effectuera son dernier voyage en Israël, en
1978, pour favoriser une réponse à l'initiative
de Sadate. Enfin, en 1979, il participera à un colloque
organisé chez Michel Foucault réunissant des intellectuels
israéliens et palestiniens dont les Temps modernes
publieront les actes sous le titre "La paix maintenant ?"
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Des
Mots au Nobel
Un enfant orphelin de père à onze mois, élevé
par ses grands-parents maternels et sa mère avec
en toile de fonds l'Alsace occupée, la première
guerre mondiale et la révolution russe , un "petit
bourgeois" doué et cabot dont la lecture et l'écriture
sont les premiers compagnons de jeu, découvre, à
l'occasion du remariage vécu comme une trahison de sa
mère qui était aussi sa grande sœur et sa meilleure
amie, la violence et sa laideur.
Alors que sa route croise celle des communistes, alors que Sartre
se penche sur le sort d'Henri Martin et tente d'oublier la littérature
pour devenir l'écrivain "en situations", le besoin
de comprendre son enfance le conduit à commencer Jean
sans terre, première version des Mots.
Pendant des années, tout en continuant d'écrire
des textes de circonstance, des écrits philosophiques,
des plaidoyers politiques, il noircit des blocs entiers de pages
où il entremêle à sa propre histoire celle
de son époque. Le récit fut arrêté
aux frontières des années d'enfance et les milliers
de feuillets réécrits, raturés, furent
ramenés à 253 pages, un petit chef-d'œuvre publié
dans Les Temps modernes en 1963. |
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L'année suivante, le 22 octobre 1964, le prix Nobel
de littérature est officiellement décerné
à Jean-Paul Sartre, qui le refuse. Ce refus fait scandale
et est diversement interprété, les uns ne voyant
là qu'une manifestation d'orgueil, voire même un
"coup" publicitaire, tandis que d'autres, sans doute plus proches
du philosophe, approuvent son refus "de se laisser transformer
en institution". |
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