Une rencontre

par Albert Lemant

"C'est au moment où nous nous y attendions le moins qu'un beau matin, nous fûmes encerclés par un groupe impressionnant… Ils étaient sept. Affublés de spectaculaires masques zoomorphes, ils surplombaient de cinq pieds le plus grand de nos Highlanders. Celui qui semblait être leur chef se mit à exécuter une sorte de danse de bienvenue à laquelle le sergent-major O'Hara répondit en actionnant sa cornemuse avec entrain. Brave garçon ! C'était je crois ce qu'il fallait faire. En effet, les sept gaillards, visiblement ivres de joie à l'écoute de nos bons vieux airs
écossais, se tapèrent sur les oreilles avec leurs mains (signe archaïque évident de remerciement). Puis, ils détalèrent en hurlant. Comprenant qu'il s'agissait d'une invite à les suivre, nous les accompagnâmes jusqu'au rivage où, pour prolonger cette ambiance bon enfant, nous tirâmes quelques coups de mousquet.
[… je compte…] inaugurer le musée Lovingstone qui regroupera tous les trésors de l'art girafawa collationnés par nos soins ! […] Le clou du musée est la 'salle des têtes' où nous avons réussi à amener une grande tête dressée ainsi que deux immenses girafes empaillées, déterrées dans ce qui me semblait être une nécropole plus ou moins sacrée.
Je crois me rappeler que cette extraction ne se passa sans quelques incidents bénins, mais l'Art dépasse ces basses considérations d'ordre ménager !"
Albert Lemant, Lettres des Isles Girafines, Paris, Seuil Jeunesse, 2003, extraits des lettres du 19 août 1912 et du 11 avril 1915.
 
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