À bien des égards, l'œuvre d'Atget présente
      le paradoxe d’être perçue comme   éminemment
      moderne alors qu’en définitive, elle manifeste les traits
      d’un archaïsme persistant.
      En premier lieu, l’archaïsme s’illustre chez lui par un
      retour à des thèmes et des formes artistiques anciens. L’arbre,
      souvent représenté par le photographe, est un de ces motifs
      archaïsants qui relèvent davantage de la tradition picturale
      du XIX
e siècle que des enjeux de l’art moderne du début
      du XX
e siècle. Atget ne se limite d’ailleurs pas à la
      simple réutilisation de ce motif. Il va jusqu’à   reprendre
      le cadrage que l’on retrouve dans les manuels d’apprentissage
      du dessin édités sous la Restauration et destinés
      aux jeunes peintres et dessinateurs. Il est vrai qu’à ses
      débuts, le photographe s’était employé à   faire
      des documents pour artistes qui pouvaient aisément s’apparenter à ces   études
      du XIX
e siècle naissant. Seulement, le motif de l’arbre, dans
      l’album des fortifications par exemple, devient un prétexte à   partir
      duquel Atget s’interroge à la fois sur les notions de paysage,
      de territoire, d’urbanisme et d’histoire. En effet, quand Atget
      photographie ce territoire de la zone, les fortifications sont condamnées à la
      destruction. À la frontière de la ville, loin des ordonnancements
      rectilignes des grandes avenues, les interstices entre la ville et les
      fortifications sont des terrains vagues où   la nature en friche
      prend des formes exubérantes. Devant ce spectacle, Atget s'attarde
      sur des “morceaux de nature” et propose une nouvelle approche
      du paysage qui intègre la dimension du territoire où se concentrent
      les tensions qui ressortissent à la constitution d’une ville
      centripète : le Paris haussmannien. Condamnées, les fortifications
      ne sont plus que des vestiges de la ville de jadis. Sur un modèle
      ancien de représentation, Atget choisit de photographier cette configuration
      urbaine inédite, c’est-à-dire, ici, un territoire vidé de
      sa valeur d’usage.
 
	  
 
 
