« The Land ». Non pas « The Landscape » ni « The Country ». Le titre de l’exposition qui, en 1976, révéla au jeune Michael Kenna sa vocation de photographe de paysage comporte, il est vrai, un sous-titre : « Twentieth century landscape photographs selected by Bill Brandt ». Un soupçon d’ambiguïté. Photographies de paysage, et non photographies du pays : une nuance se fait jour.
Nous sommes passés subrepticement de la nature au paysage. Il faut voir là non une pirouette sémantique, mais un raccourci du champ de réflexion ouvert à notre entendement, tant sur la question de l’essence du paysage que sur celle des photographies du paysage. Le corpus présenté par Bill Brandt, et dont le catalogue ne donne malheureusement qu’un faible aperçu, est personnel, fruit d’un regard aguerri exercé sans contraintes. Les contrastes stridents de ce choix parcourent toute la gamme du genre. Les grands classiques,
Eugène Atget, Ansel Adams, Aaron Siskind, Alfred Stieglitz, Paul Strand et Bill Brandt y figurent naturellement, pour ne pas dire nécessairement. Mario Giacomelli, Gianni Berengo Gardin ou Emmet Gowin, jeunes artistes de l’époque, représentent les tendances nouvelles, mais, fait remarquable et regard novateur, ici figurent aussi des œuvres anonymes et des images de relevés géologiques saisissantes de modernité ; toutes photographies élues pour leurs évidentes qualités plastiques. Mais Bill Brandt déterminait, par cette diversité même, un large périmètre où se côtoyaient la pure recherche et le document le plus brut, où pouvait se déployer une réflexion approfondie sur les linéaments de la photographie appliquée au paysage. Kenna, alors jeune étudiant en art, y perçut le point de vue, la réflexion et les choix d’un grand artiste, appliqués au domaine qu’il explore depuis sans relâche, en somme la souche mère de son futur travail : « En 1976, j’ai vu une exposition intitulée “The Land”, organisée par Bill Brandt au Victoria and Albert Museum, à Londres. J’ai honte d’avouer qu’à cette époque je n’avais jamais entendu parler de Bill Brandt ! Il a eu la plus grande influence sur mon œuvre. »