"Dans ces luttes coloniales,
les actes héroïques ne furent pas rares. En Algérie,
le capitaine Lelièvre, avec 123 soldats, résiste pendant
quatre jours à 12 000 Arabes ; le duc d'Aumale, fils de Louis-Philippe, à la
tête d'une poignée d'hommes, s'empare de la Smala d'Abd-el-Kader
(sorte de capitale) que défendaient plusieurs milliers de cavaliers.
Au Tonkin, Francis Garnier, presque seul, conquiert d'immenses étendues
de territoire ; le sergent Bobillot et le commandant Dominé soutiennent,
dans un petite place sans remparts, un siège extraordinaire, contre
dix mille Chinois et, au moment même où la ville est délivrée
par une armée du secours, Bobillot meurt des fatigues qu'il a
subies.
Parmi les héros de ces entreprises, une place à part doit être
réservée à M. de Brazza, qui fut le véritable
créateur du Congo français. Ce ne sont pas seulement les
fatigues subies, les dangers affrontés, les souffrances patiemment
supportées, les territoires conquis à la civilisation qui
valurent à M. de Brazza sa grande et légitime réputation
; il faut louer aussi en lui un souci constant de justice et d'humanité.
Il ne versa pas le sang, et sa conquête s'établit uniquement
par la persuasion et la douceur, alors que trop souvent les explorateurs
procèdent d'autre sorte. Cette belle vie de héros désintéressé et
pacifique, s'est noblement terminée. En 1905, M. de Brazza, bien
que de santé débile, consentit à retourner au Congo
pour faire une enquête sur des actes de cruauté reprochés à l'administration
de ce pays. Il en rapportait tout un plan de réorganisation, quand
il mourut en route, épuisé par les fatigues de ce voyage.
Malade, il n'avait pas voulu écourter sa tâche, et comme aux
jours de sa jeunesse aventureuse il se dépensa sans compter, n'ayant
qu'un désir, se hâter pour rendre avant de mourir un dernier
service à l'humanité et à la justice."
C. Calvet
Histoire de France. Cours élémentaire conforme
au programme de 1894, Paris, Bibliothèque d'éducation,
s.d., p. 171-172.