À l’époque de l’expansion maritime européenne vers le grand large et les nouveaux mondes, la production de cartes portulans en Méditerranée se poursuivit, pour la plupart selon des traditions inchangées. En effet, les progrès de la navigation astronomique, qu’on utilisa à partir du XVI
e siècle pour les longues durées et les grands espaces des routes océaniques, affectèrent peu les habitudes des marins méditerranéens. Ceux-ci continuèrent à pratiquer la navigation à l’estime et à calculer la position du navire à partir de repères côtiers, comme l’expliquent le traité de Benedetto Cotrugli (1464) et d’autres œuvres postérieures
1. Quelques changements sont observables néanmoins dans la construction des cartes, témoignant d’un certain intérêt pour les progrès scientifiques de l’époque, tandis que les éléments décoratifs laissent apparaître les goûts et les évolutions artistiques de la Renaissance.
La demande en cartes portulans demeura forte et entretint une production assez abondante dans certains grands ports méditerranéens, au sein de petits ateliers artisanaux et familiaux, transmis de père en fils. Parmi les documents conservés jusqu’à nos jours, les cartes et atlas portulans exécutés aux XVI
e et XVII
e siècles sont environ quatre fois plus nombreux que ceux qui remontent aux XIV
e et XV
e siècles, et l’on en découvre encore dans des bibliothèques ou dans les mains de particuliers, au point que leur nombre dépasse aujourd’hui les huit cents exemplaires. Les marques de possession laissent penser que l’éventail des acquéreurs s’est considérablement élargi, jusqu’à inclure, outre les nobles, grands prélats et fonctionnaires de haut rang, des capitaines et pilotes pour lesquels ils constituaient sans doute des souvenirs de toute une vie passée en mer.