Le programme de Civiale
Aimé Civiale est en effet exemplaire de cette pratique.
Ancien élève de l’École polytechnique, il met
ses compétences au service de la photographie scientifique appliquée à la
géographie du milieu montagnard. Son tuteur est Élie de Beaumont,
l’un des fondateurs de la géologie scientifique en France.
Le programme de Civiale est un inventaire des Alpes au moyen de la photographie,
programme qu’il mène à bien pendant une dizaine d’années à raison
de deux mois chaque été. Il parcourt les Alpes, de la France à l’Autriche,
de massif en massif, à différentes altitudes, et combine
vues de détail, plans larges et vastes panoramas circulaires en
quatorze épreuves. Il ajuste l’horizontalité de son
axe optique, calcule les déplacements relatifs du soleil et de sa
chambre noire. Il tient un journal de ses opérations, dessine des
croquis interprétatifs, y consigne des mesures, prélève
des échantillons géologiques. Civiale a réalisé six
cents vues et quarante et un panoramas, une somme
sans précédent où les aspects minéraux, glaciaires
et hydrographiques sont inventoriés, détaillés, comme
si le corps de la chaîne alpine avait été l’objet
d’une anatomie exhaustive et comparative. Au regard de l’enquête
de Civiale, les autres photographes paraissent en retrait tant du point
de vue des principes que des réalisations.
Cependant des expériences
analogues ont été menées : les travaux d’Édouard-Alfred
Martel dans la région des Causses, par exemple, relèvent également
de la logique d’inventaire. Ces expéditions, menées à partir
de 1883, s’accompagnaient de campagnes photographiques devant répertorier
les principales curiosités géologiques et sites naturels
de la région. Les récits de ces explorations
ont été publiés dans plusieurs ouvrages illustrés
de photographies – dont
Les Cévennes, en 1890 – ,
le père de la spéléologie étant aussi un pionnier
de la photographie souterraine, dont les premières techniques avaient été mises
au point par Félix Nadar en 1866.